140. IDÉES SUR LES PROJETS POLITIQUES A FORMER AU SUJET DE LA MORT DE L'EMPEREUR.

La Silésie est de toute la succession impériale le morceau sur lequel nous avons le plus de droit, et qui convient le mieux à la maison de Brandebourg; ilest juste de maintenir ses droits, et de saisir l'occasion de la mort de l'Empereur pour s'en mettre en possession.

La supériorité de nos troupes sur celle de nos voisins, la promptitude avec laquelle nous les pouvons faire agir, et en gros l'avantage que nous avons sur nos voisins, est entier, et nous donne, dans uneoccasion imprévue comme celle-ci, une supériorité infinie sur toutes les autres puissances de l'Europe. Si nous voulons attendre pour agir que la Saxe et la Bavière fassent les premières hostilités, nous ne saurions empêcher la Saxe de s'agrandir, ce qui est cependant entièrement contraire à nos intérêts, et nous n'avons, en ce cas, aucun bon prétexte. Mais si nous agissons à présent, nous tenons la Saxe dans l'abaissement, et l'empêchant d'avoir les chevaux de remonte, nous la mettonshors d'état de pouvoir rien entreprendre.

L'Angleterre et la France sont brouillées; si la France se mêle des affaires de l'Empire, l'Angleterre ne le pourra jamais souffrir, et de cette façon, les deux parties opposées m'offriront toujours une bonne alliance. L'Angleterre ne saurait être jalouse de mon acquisition de la Silésie, puisque cela ne lui saurait faire du mal, et qu'au contraire elle s'en peut attendre des avantages dans la situation présente de ses affaires, qui exigent des alliances.

La Hollande le regardera d'un œil indifférent, et cela d'autant plus qu'on garantit aux négociants d'Amsterdam les capitaux qu'ils ont prêtés sur la Silésie.

Si l'on ne trouve pas son compte avec l'Angleterre et la Hollande, on le trouvera sûrement avec la France, qui d'ailleurs ne saurait traverser <91>nos desseins, et qui regardera d'un œil satisfait l'abaissement de la maison impériale.

Reste la Russie. Toutes les autres puissances dont je viens de parler ne sont point en état de nous troubler; il ne reste que la Russie seule capable de nous donner de l'ombrage.

Le printemps prochainnous ne pouvons trouver qui que ce soit dans notre chemin; ainsi, si la Russie veut nous attaquer, elle peut être sûre qu'elle aura les Suédois sur les bras, de sorte qu'elle se mettrait entre l'enclume et le marteau. Si l'Impératrice vit, le duc de Courlande, qui a de très riches terres en Silésie,91-1 me ménagera pour se les conserver; et de plus, il fautfaire tomber parmi les principaux du conseil de la pluie de Danaë, qui les fera penser comme on voudra. Si l'Impératrice est morte, les Russiens seront si occupés de l'intérieur de leurs affaires qu'ils n'auront pas le temps de penser aux étrangères; et, en tout cas, faire entrer un âne chargé d'or à Pétersbourg n'est pas une affaire impossible.

Je conclus de tout ce raisonnement qu'il faut avant l'hiver se mettre en possession de la Silésie, et négocier l'hiver; alors on trouvera toujours parti à faire, et nous négocierons avec succès, lorsque nous serons en possession, au lieu qu'agissant autrement, nous nous mettons hors de nos avantages, et nous n'aurons jamais rien par une simple négociation, ou bien on nous fera des conditions très onéreuses, pour nous accorder des bagatelles.

Federic.

Nach der eigenhändigen Aufzeichnung.



91-1 Die Herrschaft Wartenberg.