148. AU BARON DE BRACKEL, ENVOYÉ DE RUSSIE, A BERLIN.

Rheinsberg, 10 novembre 1740.

Monsieur le Baron de Brackel. Ayant appris par mon ministre d'État de Podewils la triste nouvelle que vous avez reçue de la mort de Sa Majesté Impériale de toutes les Russies, je ne saurais m'empêcher de vous en témoigner ma douleur, et combien je suis sensible à cette grande perte, qui doit intéresser toute l'Europe. On ne saurait trop regretter celle d'une si grande princesse, douée de tant de vertus héroiques, le délice de son peuple et de tous ses véritables amis, parmi lesquels je prétends de n'avoir pas le moindre rang. Cependant, comme le de Podewils m'a fait part en même temps de la déclaration favorable que vous lui avez insinuée, au nom de Monsieur le Duc-Régent et de la Régente, de l'envie qu'ils ont de cultiver mon amitié, je vous prie de les assurer à quel point je suis sensible à cette protestation, étant porté de cœur et d'inclination à y répondre parfaitement; qu'encore que pendant la vie de l'Impératrice je n'aie pu trouver des occasions de lui marquer l'envie que j'ai eue toujours de la convaincre de mon attachement et d'augmenter sa gloire et sa puissance, j'espère que le temps de minorité, où selon toutes les apparences les troubles ne manqueront pas, m'en fournira des favorables, où je pourrais rendre des services <97>essentiels à la Régence et affermir de plus en plus l'amitié étroite et l'alliance qui subsiste depuis si longtemps entre nous. Car mon cœur étant tout porté pour leurs intérêts et gloire, et mestroupes l'étant aussi par conséquent, ils me trouveraient toujours prêt où il s'agira de leur être utile; que, selon ma manière de penser, les intérêts de la Russie et les miens sont étroitement liés et inséparables, et qu'il faudrait se prêter un mutuel secours, ce qui contribuerait à la gloire et à la sûreté des uns et des autres, ainsi que je ne demande pas mieux que de reserrer les nœuds d'une amitié éternelle et d'une alliance à toute épreuve avec la Régence. Vous ne manquerez pas d'en informer Monsieur le Duc et la Régence, en les assurant de la sincérité de ces sentiments. Je suis avec beaucoup d'estime votre bien affectionné

Federic.

Nach Abschrift der Cabinetskanzlei.