273. AU ROI DE LA GRANDE-BRETAGNE A LONDRES.

Berlin, 30 janvier 1741.

Monsieur mon Frère. Je suis charmé de voir par la lettre que Votre Majesté vient de m'écrire que je ne me suis trompé dans la confiance que j'ai mise en Elle, par la façon favorable dont Elle s'explique au sujet de mon entreprise sur la Silésie. N'ayant eu alliance avec personne, je n'ai pu m'en ouvrir avec personne; mais voyant les bonnes intentions de Votre Majesté, je La regarde comme étant déjà mon allié, et comme devant à l'avenir n'avoir plus rien de caché ni de secret pour Elle.

Je dois donc l'informer que je me suis emparé de toute la Silésie (excepté deux mauvaises bicoques, où les officiers de la reine de Hongrie ont jeté du monde très imprudemment et qui ne sauraient tenir), que <186>j'ai chassé M. de Browne en Moravie, et que, si j'avais eu le moindre dessein d'abattre la maison d'Autriche, il n'aurait tenu qu'à moi de pénétrer jusqu'à Vienne, mais n'ayant des droits que sur une partie de la Silésie, je me suis arrêté où finissent ses frontières.

Bien loin de vouloir troubler l'Europe, je ne prétends rien, sinon que l'on ait égard à la justesse de mes droits incontestables et que justice me soit faite, sans quoi je me verrais obligé de pousser les choses jusqu'à l'extrémité et de ne garder désormais aucuns ménagements avec la cour de Vienne.

Je fais un fond infini sur l'amitié de Votre Majesté et sur les intérêts communs des princes protestants, qui demandent qu'on soutienne ceux qui sont opprimés pour la religion. Le gouvernement tyrannique sous lequel les Silésiens ont gémi est affreux, et la barbarie des catholiques envers eux inexprimable; si ces protestants me perdent, il n'y a plus de ressource pour eux.

Je crois que les raisons que je viens d'alléguer à Votre Majesté sont suffisantes, mais je crois en voir de plus fortes encore dans les intérêts de Votre Majesté. Car si jamais Elle veut s'attacher un allié fidèle et d'une fermeté inviolable, c'en est le moment; nos intérêts, notre religion, notre sang est le même, et il serait triste de nous voir agir d'une façon contraire les uns aux autres, de quoi d'autres voisins jaloux ne manqueraient pas de profiter. Il serait encore plus fâcheux de m'obliger à concourir aux grands desseins de la France, ce que je n'ai cependant intention de faire que si l'on me force, au lieu qu'à présent, Votre Majesté me trouve dans les dispositions les plus avantageuses pour Ses intérêts, et prêt à entrer dans Ses vues et à agir en tout de concert avec Elle.

Je suis avec la plus parfaite estime, Monsieur mon Frère, le très bon et très fidèle frère et ami

Federic.

J'ai oublié de L'informer que j'ai conclu une alliance défensive avec la Russie.

Nach Abschrift der Cabinetskanzlei. Die Ausfertigung eigenhändig.