545. A L'ÉLECTEUR DE BAVIÈRE [A YBBS].

Camp de Friedland, 7 octobre 1741.

Monsieur mon Cousin. J'ai vu, par la lettre que Votre Altesse Électorale me fait le plaisir de m'écrire, qu'Elle n 'avait pas avancé davantage qu'à la rivière d'Enns; j'avais espéré que la tête de Son armée occuperait déjà les faubourgs de Vienne, et je me flatte du moins qu'elle y arrivera bientôt. Autant que je voudrais Lui prêter mon artillerie pour faire le siége de Prague, autant la chose est impossible à présent, non seulement par rapport aux passages que les Autrichiens occupent, savoir Glatz et Braunau, mais puisque cette artillerie ne peut être envoyée que par un gros détachement, et que je ne saurais détacher, ayant l'ennemi vis-à-vis de moi.

L'artillerie saxonne, ce me semble, serait plus à portée de remonter l'Elbe et par conséquent d'arriver avec bien plus de facilité à Prague. Il me semble, d'ailleurs, que le grand but de Votre Altesse Électorale devrait être de détruire le corps du prince Lobkowitz, et d'avancer avec toute la promptitude imaginable vers Vienne; par là, Elle couperait Neipperg de toute communication, et, si Elle avançait alors vers la Moravie, dans les cantons de Mannhardsberg vers Brünn, que les Saxons en fissent autant par la Bohême, et que je fisse un mouvement semblable par la Haute-Silésie, Neipperg, trop faible pour faire tête partout, serait sûrement accablé par ces trois armées, et il ne resterait plus de ressource à la Reine qu'en des vagabonds de Hongrie, des Cravates et des hussards.

Je regarde le siége de Prague comme un accessoire dans la totalité du projet; car, si nous terrassons le corps du prince Lobkowitz, et que nous bloquions l'armée de Neipperg, je demande à Votre Altesse Électorale qui défendra Prague, et si Elle ne juge pas Elle-même que la dernière division française, assistée de l'artillerie saxonne, sera forte pour cette opération? Par ce moyen, nous agissons par des principes, et nos mouvements, correspondant les uns aux autres, concourent au grand but que nous devons nous proposer, de ruiner les forces de la Reine et de lui ôter cet hiver toutes ses ressources; alors je Lui répond du succès <369>de la paix, et de la satisfaction qu'Elle aura d'avoir conduit cette entreprise à une heureuse issue; mais, si Elle donne de l'air à M. de Neipperg, en lui laissant Vienne et ses derrières libres, il se renforcera, l'hiver, de 30 à 40,000. Hongrois, et il faudra le printemps prochain commettre au hasard une chose dont à présent Elle tient la décision entre Ses mains.

Votre Altesse Électorale fera tout ce qu'Elle jugera à propos, mais Elle aura sûrement lieu de regretter le parti qu'Elle prend d'aller à Prague, et les effets Lui montreront que je ne me trompe pas dans mon prognostique; d'ailleurs, si Elle agit avec lenteur, à présent qu'Elle n'a point d'ennemi à tête, Elle perd tout l'avantage qu'Elle pouvait tenir du bénéfice du temps, et la différence des opérations est totale lorsqu'on a l'ennemi vis-à-vis de soi, ou lorsque l'on est maître de diriger ses mouvements sans opposition. Je dois ajouter à tout ceci que Votre Altesse Électorale ne peut assez bien faire garder tous les débouchés de l'Italie qui conduisent en Bavière ou en Basse-Autriche, sans quoi une diversion de cette nature bouleverserait tout Son plan.

Les marches que j'ai faites jusqu'ici m'ont éloigné assez considérablement de Breslau pour en rendre la communication difficile, ce qui a empêché jusqu'à présent le comte Törring de se rendre au camp.

Je suis avec beaucoup d'estime et de considération, Monsieur mon Cousin, de Votre Altesse Électorale le très fidèle ami et cousin

Federic.

Nach der Ausfertigung im Königl. Hausarchiv zu Berlin. Eigenhändig.