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l'Electeur palatin, mais, afin qu'il fût autorisé d'ouvrir un pareil avis qui était totalement opposé aux exhortations qu'on avait faites jusqu'à présent au ministère de Manheim, il serait nécessaire que Votre Majesté m'envoyât une lettre ostensible pour lui, attendu qu'il faudrait entrer en négociation là - dessus avec l'électeur de Cologne et se concerter avec ce Prince en conséquence.

Je ne dois point, au demeurant, cacher à Votre Majesté que j'ai sujet de présumer que M. de Saint - Contest demande cette lettre non seulement pour en faire usage vis-à-vis de la cour de Cologne, mais aussi pour sa propre justification dans le Conseil, où il est contrecarré en tout avec beaucoup d'animosité par le comte d'Argenson et son parti, et où, pour faire passer un pareil avis, il aura besoin d'être étayé de l'autorité de Votre Majesté.

Du reste, il ajouta qu'il prévoyait un inconvénient qui pourrait bien s'ensuivre, si on laissait à l'Électeur palatin la liberté de conclure son accommodement avec la cour de Vienne, avant qu'elle lui eût payé la somme qui lui était stipulée, parceque ce payement était une amorce dont on pourrait se servir ensuite pour détacher ce Prince de la France, et qu'en pareil cas on lâcherait et on resserrerait à Vienne les cordons de la bourse proportionnellement aux dispositions dans lesquelles on y trouverait la cour palatine.

Après que M. de Saint-Contest se fut ainsi entretenu avec moi sur les différents expédients proposés par Votre Majesté pour contenir le roi d'Angleterre et ses alliés, il me dit qu'il était très persuadé que ce Prince n'avait nulle envie d'attaquer Votre Majesté, et que le voyage qu'il méditait de faire dans ses États héréditaires lui en paraissait être une preuve évidente, parcequ'il n'était point vraisemblable qu'il voulût s'exposer à s'en faire chasser. Que ce qu'il appréhendait le plus, comme il me l'avait déjà dit plusieurs fois, était qu'on ne saisît par représailles quelque vaisseau portant pavillon de Votre Majesté.

Je me servis de cette occasion pour lui représenter combien il importait de prévenir une pareille démarche et renouer la négociation qui était suspendue depuis

délicat à ménager. Que, si l'on était assuré que la cour de Vienne, de concert avec le roi d'Angleterre, appuyés par les forces de Russie, voudraient brusquer l'élection, alors mon avis serait qu'on tâchât d'accommoder de bonne grâce l'affaire du Palatin, pour prévenir tout inconvénient. Mais que, si ce n'était point, aussi, l'intention de la cour de Vienne, et qu'elle ne voulût pas s'exposer, comme M. de Contest paraît être persuadé, à brusquer ainsi l'élection, j'avouais que la démarche de conseiller à l'Électeur palatin d'accepter les conditions que la cour de Vienne lui offrait, et de conclure son accommodement, serait précipitante, puisqu'il était sûr que par l'amorce du payement de la somme qu'on stipulerait à l'Électeur, on l'entraînerait pas à pas à se conformer à toutes les volontés de la cour de Vienne et à quitter ses anciens amis. Qu'ainsi j'étais d'accord avec M. de Contest que l'on ne faudrait point se précipiter dans une affaire de pareille conséquence, mais attendre jusqu'à ce qu'on saurait voir plus clair sur les intentions des deux susdites cours, pour prendre alors une résolution convenable aux conjonctures.

Vous direz d'ailleurs confidemment de ma part à ce ministre que, selon des avis secrets que j'avais eus en dernier lieu, le ministère anglais était bien résolu à donner une somme d'argent en subsides à la Russie, mais qu'il ne s'était encore point décidé sur la somme qu'on voudrait offrir; que la Russie demandait des sommes énormes, et que le ministère anglais n'en