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6166. AU CONSEILLER PRIVE DE GUERRE DE KLINGGRÅFFEN A VIENNE.

Berlin,1 12 janvier 1754.

Tous les avis que j'ai reçus des différents lieux, se conforment entièrement à ce que vous m'avez marqué par votre rapport du 2 de ce mois touchant les dispositions du roi d'Angleterre peu conformes aux sentiments de la cour de Vienne. On m'apprend que les arrangements que les ministres anglais s'étaient proposé de prendre avec la Russie, bien que simplement défensifs, paraissent être comme suspendus au croc, et que le motif qui avait fait qu'ils s'étaient prêtés aux insinuations de la cour de Vienne, cessait d'exister. Que malgré tous les mouvements que le ministre autrichien, le comte Colloredo, se donnait pour réchauffer le ministère anglais, celui-ci ne prêtait son attention qu'aux affaires intérieures du pays, dont surtout celles d'Irlande les inquiétaient,2 sans se donner la moindre application aux affaires étrangères. Qu'on parlait toujours avec incertitude du voyage du roi d'Angleterre en Allemagne, et que son ministère anglais serait même bien aise de pouvoir trouver des motifs pour faire suspendre ce voyage. Qu'enfin tous les vastes projets que la cour de Vienne s'était imaginés, en comptant que l'Angleterre tirerait les cordons de la bourse, pourraient bien s'en aller en fumée.

D'autre part, j'apprends que la France a assemblé au delà de 40,000 hommes dans le Languedoc et Dauphiné, qu'elle mettra sous les ordres du maréchal de Richelieu; que les affaires d'Italie commencent à exciter son attention et que le traité fait entre la cour de Vienne et le duc de Modène3 lui donne de fortes jalousies pour la balance d'Italie.

Comme je ne saurais point vous dire les vrais motifs qui ont opéré sur la France pour qu'elle vienne d'augmenter si considérablement le nombre de ses troupes dans les provinces ci-dessus énoncées, je souhaiterais bien que vous sachiez tourner adroitement le ministre de Sardaigne à Vienne,4 afin de pouvoir vous orienter, autant que possible, sur sa façon de penser là-dessus et m'en faire votre rapport immédiatement.

Pour ce qui regarde le cas arrivé au cuisinier Sievert, je suis content des démarches que vous avez faites à ce sujet, et vous abandonne de le démêler aussi bien que vous le pourrez; mais ce qui me donnerait le plus de satisfaction, ce serait si vous saviez combiner celle5 qu'on me doit à ce sujet, avec celui du bas-officier Schmidt du régiment de mon frère, le prince Henri, afin qu'il fût relâché et rendu audit régiment.

Federic.

Nach dem Concept.



1 In der Vorlage verschrieben: Potsdam.

2 Vergl. S. 205.

3 Vergl. S. 209.

4 Graf Canales.

5 La satisfaction.