<235> votre liberté.1 Ces sentiments sont si naturels à l'homme que je ne puis y trouver à redire; si j'étais, aussi, maître de mes actions que vous l'êtes des vôtres, il y a longtemps que j'aurais pris un parti semblable, mais dans mon métier on est condamné à porter le joug toute sa vie. On s'acharne contre l'indifférence ou l'esprit philosophique qui a fait quitter le trône à quelques princes, et l'on censure l'ambition de ceux qui veulent augmenter leur puissance; ainsi point de moyen de contenter le public, et, sûrs d'être blâmés quoi que nous pussions faire, ce nous est encore une nécessité de nous exposer à la censure du public, quand nous sentons notre esprit et nos forces déchoir. Il n'y a d'heureux dans la monde, croyez-moi, que les personnes qui ont eu assez de sagesse de renoncer dès leur jeunesse à toute ambition, et dont les noms [sont]2 inconnus souvent de la malignité publique [et]3 ceux qui savent les leur dérober. La vie est si courte qu'il ne faudrait vivre que pour soi et non pas pour des ingrats qui ne vous tiennent aucun compte de vos peines, et qui critiquent aigrement vos actions.

Vous trouverez ma lettre d'un goût trop stoique, mais comptez que ce sont mes véritables sentiments. Quand on a vu longtemps de près les objets de la cupidité publique, le charme s'évanouit, et l'on ne tarde point à se détromper de la valeur chimérique que leur attribue le vulgaire. Cela ne m'empêche pas de faire par devoir ce que mon métier exige de moi, mais je vous assure que c'est en jurant souvent contre mon destin de ce qu'il ne m'a pas mis en situation de pouvoir mener une vie plus agréable.

Nous n'avons pas ici, à la vérité, de tracasseries de prêtres ni de Parlements obstinés,4 mais un autre sorte de souci en tient lieu. Vous me renverrez peut-être à l'épître d'Horace à son jardinier5 et vous n'aurez pas tort; il faut se trouver bien où l'on est, et ne point chercher le bonheur parfait dans ce monde, supporter le chagrin, quand il vient, et jouir du plaisir, lorsqu'on peut l'attraper. Je vous en souhaite beaucoup, mon cher Milord, et je vous prie d'être persuadé que personne ne prend plus de part au bien qui vous arrive, que votre fidèle ami

Federic.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.


6203. AN DEN ETATSMINISTER GRAF PODEWILS IN BERLIN.

Potsdam, 8. Februar 1754.

Nachdem Se. Königl. Majestät mir exprès befohlen haben,6 beiliegenden aus verschiedenen letzteren Depeschen des Herrn Geheimen Rath von Maltzahn zu Dresden zusammengezogenen Extract die polnische Affairen betreffend an Ew. Excellenz zu übersenden, und dabei



1 Vergl. S. 216.

2 Von der Hand des Empfängers im Original ergänzt.

3 Desgl.

4 Vergl. S. 167.

5 Hor. Serm. I, 14.

6 Vergl. S. 228.