<289> canaux à Vienne que le commissaire général de guerre de l'Impératrice-Reine, le comte Salabourg, avait présenté un projet à sa souveraine d'assembler une armée de 50,000 hommes, pourvue de tout à pouvoir entrer en campagne, s'il en était averti six semaines d'avance,1 que ce projet avait été fort applaudi de la Princesse et qu'il avait été traité fort mystérieusement et dans un profond silence, mais que j'ai appris par le même canal qu'il pourrait bien être mis en exécution vers la fin du mois de mai, à Kolin en Bohême, et qu'on prenait actuellement, quoique avec mystère, des arrangements pour l'achat de 1600 chevaux d'artillerie et de ce qui y a du rapport. Qu'on était, de plus, en pourparlers pour former des magasins suffisants à entretenir une armée de passé 50,000 hommes, pourvue de tout ce qu'il faut, et que huit régiments de cavalerie en Hongrie avaient ordre de joindre vers ce tempslà l'armée en Bohême. Que d'ailleurs des lettres de Russie m'ont appris que les ordres de la cour étaient données pour augmenter le nombre des troupes de Russie dans la Livonie, pour faire marcher un corps considérable de troupes irrégulières de l'Ukraine aux confins de la Lithuanie, et à l'amirauté de Pétersbourg pour appareiller les vaisseaux de guerre et les galères afin de pouvoir sortir en mer.

Tout cela n'a point pu opérer sur moi que j'aurais voulu vous en faire part afin d'en avertir les ministres de France, pour ne point leur donner des ombrages prématurés. Mais, comme je viens d'apprendre à présent que les ordres de l'achat des chevaux d'artillerie subsistent toujours, qu'on s'aperçoit à Vienne du mouvement parmi les généraux autrichiens qui y arrivent successivement, mais qui ne font point de séjour; que d'ailleurs j'apprends d'un bon endroit une conversation qui a été tenue depuis peu entre des personnes qui sont fort à même de savoir la façon de penser de la cour de Vienne, en conséquence de laquelle il paraissait à celle-ci qu'il s'élevait tant de difficultés pour l'élection par unanimité que la pluralité était plus convenable, de sorte qu'il fallait indiquer une assemblée d'Électeurs, y faire la proposition de l'élection, et que ceux des Électeurs qui ne voudraient point être présents, seraient les maîtres de s'absenter sur le pied que cela s'était fait a la dernière élection;2 qu'on était bien persuadé que celle-ci réussirait comme la dernière; que la chose en resterait là et qu'à la fin les Électeurs opposants s'accommoderaient et qu'en tout cas il fallait se mettre en état avec ses alliés, si contre toute attente l'affaire devenait sérieuse; qu'au surplus les entretiens, les entrevues particulières entre le comte Colloredo et celui de Kaunitz, qui s'enfermaient pendant plusieurs heures, étaient fort fréquentes, que personne n'y était admis qu'un seul référendaire privé du comte Kaunitz, mais que le ministre de Russie, le comte Keyserlingk, voyait actuellement avec plus d'assiduité les deux ministres susdits; que le ministre saxon, comte Flemming, y était aussi,



1 Vergl. S. 207.

2 Vergl. Bd. IV, 273. 274.