<305> attaquait sa bonne foi, celui-ci n'a point hésité de lui insinuer après quelques tergiversations que cette clause n'était pas de sa cour, mais de ses alliés.

Quant à l'avis que je vous ai donné par mes dépêches antérieures1 des mouvements entre les troupes de l'Impératrice-Reine, qui marquaient un dessein offensif, je dois vous dire que jusqu'ici les avis que j'en ai eus, ne continuent pas, de sorte que je commence presque d'en présumer qu'il y a eu peut-être une idée momentanée, dont la cour de Vienne cependant se ravise actuellement. Au reste, avertissez le sieur Knyphausen qu'il s'épargne la peine de m'envoyer les caractères des ministres étrangers à la cour de France,2 qui ne m'intéressent point, mais qu'il ne m'[en] envoie que des personnes que je lui ai autrefois indiquées nommément.

Federic.

Nach dem Concept.


6302. AU LORD MARÉCHAL D'ÉCOSSE A PARIS.

[Potsdam], 21 avril 1754.

Vous vous moquez de moi, mon cher Milord, de mes définitions, de mes distinctions3 et de ma philosophie, et vous n'avez pas tort; dans le fond, nous sommes du même sentiment, il n'y a que les mots qui nous ont fait illusion par les significations plus étendues ou plus restreintes que nous leur avons attribuées, et, à le bien prendre, la plupart des disputes ne roulent que sur les mots. Locke et Leibniz l'ont si bien senti qu'ils commencent par définir les sens et les idées qu'ils attachent aux mots, avant de s'en servir; pour moi, qui ne suis qu'un polisson en comparaison de ces gens-là, je me donne quelquefois les airs de les imiter, et il m'arrive d'être un assez mauvais gille.

Ici, mon cher Milord, nous n'avons ni prêtres insolents ni juges ambitieux comme ceux qui vous donnent la comédie à Paris, nous n'avons qu'une troupe d'intermèdes plus amusante et plus folle que tout le clergé de l'Europe, les septante cardinaux et le Pape à leur tête, et qui chantent plus gaîment que tous vos présidents à mortier, conseillers, assesseurs et juges du Châtelet. Les soins d'entretenir la paix entre cette troupe de bouffons sont les grandes affaires qui nous occupent maintenant, et vous pouvez croire qu'on accommoderait plus facilement les compagnies orientales de France et d'Angleterre que le sieur Crica et la signora Paganini. On n'a pas tant négocié à Vienne et à Manheim pour l'élection d'un roi des Romains qu'il a fallu employer d'adresse et imaginer de tempéraments pour faire représenter à cette troupe l'opérette des trois bossus; ce qu'il y a de sûr, c'est que cette pièce sera jouée, avant que les Électeurs aient couronné leur roi des Romains et avant que le roi George ait achevé de corrompre son



1 Nr. 6285.

2 Vergl. S. 268.

3 Vergl. S. 275.