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Telle étant la situation actuelle de cette affaire, mon intention est que vous en parliez au sieur de Rouillé, que vous lui communiquiez ce précis, et qu'à l'aide des lumières que vous y aurez puisées et de celles que les actes de l'ambassade vous auront fournies, vous fassiez sentir à ce ministre toute l'injustice de la cour de Vienne. Vous ajouterez que je prévoyais, du reste, que le but de cette cour n'était autre que de faire échouer la négociation et de m'obliger à la rompre, et que je serais en effet obligé d'en venir là, s'il ne se présentait quelque occasion favorable pour la rendre plus docile et pour lui faire entendre raison; que je ne voyais que la cour de France qui pût me procurer cette occasion, en autorisant son ministre, le vicomte d'Aubeterre, à faire sentir l'intérêt que Sa Majesté Très Chrétienne prenait au succès de cette négociation, et la peine que lui faisaient les difficultés qu'on avait fait naître par l'établissement d'un nouveau tarif, dans un temps où je ne demandais pas mieux que de conclure sur un pied raisonnable.

Vous direz au sieur de Rouillé que j'étais persuadé qu'une insinuation pareille ne pourrait que produire un très bon effet, si on la faisait à propos et dans un de ces moments d'alarme que les nouvelles de Constantinople causaient depuis quelque temps aux ministres autrichiens; que je savais à n'en pouvoir pas douter, qu'ils n'étaient pas sans inquiétude de ce côté-là, et qu'il me revenait d'ailleurs de fort bon lieu que la Porte se disposait à faire dans peu des arrangements dans son militaire qui donneraient à penser à la cour de Vienne, de sorte que, si la cour de France voulait me faire l'amitié de charger le vicomte d'Aubeterre de se concerter avec mon ministre, le sieur de Klinggræffen, et de profiter du moment favorable que je viens d'indiquer, pour parler aux ministres autrichiens, lorsque ce moment existera réellement, et pas plut tôt, j'avais tout lieu de me promettre que la cour de Vienne en deviendrait plus traitable et que ce serait peut-être le seul moyen de la porter à l'accomplissement de ses engagements.

Vous aurez soin, dans l'entretien que vous aurez sur ce sujet avec le sieur Rouillé, de lui faire envisager cette démarche que je fais auprès de la cour de France, comme une suite de la confiance que je lui ai toujours témoignée, et comme un effet de mon zèle pour le maintien de la paix et de la tranquillité qui me portait à écarter avec soin tout ce qui pourrait un jour la troubler, et qui me faisait désirer par conséquent de pouvoir aussi régler cette affaire de commerce qui laisserait toujours un germe de division et de discorde entre moi et la cour de Vienne, tant que les choses resteraient sur le pied où elles se trouvent actuellement.

Vous finirez, enfin, en disant que je regarderais les soins que Sa Majesté Très Chrétienne voudrait bien prendre à cette occasion, comme une nouvelle marque de son amitié pour moi, et que je serais charmé d'avoir cette obligation de plus à un Prince qui était le premier et le