5971. AU SECRÉTAIRE MICHELL A LONDRES.

Potsdam, 21 juillet 1753

D'autant que vous faites mention dans votre rapport du 10 de ce mois des fréquentes conférences qu'il y a à Vienne entre le comte Kaunitz et le comte Keyserlingk et des nouvelles que le comte de Tschernyschew attend de sa cour pour recommencer ses chipoteries, je veux bien vous faire part dans la dernière confidence et sous le sceau d'un secret impénétrable d'un avis très secret22-1 que j'ai eu dernièrement sur ce sujet de Russie de très bonnes mains.

Il s'agit de la négociation du sieur Guy Dickens avec le chancelier Bestushew par rapport à un corps de troupes russiennes contre un subside à payer, prêt à marcher sur la réquisition de la cour d'Angleterre en cas d'attaque de ma part, dont on me marque que ladite négociation était avancée au point qu'il ne s'agissait actuellement que de faire signer à l'Impératrice les propositions mises en avant par ses ministres et déjà préalablement approuvées de cette Princesse touchant la manière et les conditions sous lesquelles la cour de Russie s'engagerait à tenir en Livonie et près de la Mer Baltique un corps de troupes prêt à marcher pour le service de la Grande-Bretagne, en suite de quoi il ne resterait aux chanceliers de Russie que de livrer au sieur Guy Dickens par écrit une réponse complète et satisfaisante sur le mémoire qu'il leur avait remis à ce sujet; que les dissipations fréquentes de l'Impératrice avaient empêché jusque là de mettre cela à l'exécution, mais que, cette souveraine ayant ordonné à ses ministres de la suivre à Troiza, ceux-ci avaient espéré qu'ils rencontreraient là le moment favorable de lui faire passer la signature désirée; que ce qu'il y avait de surprenant dans la conduite de cette affaire, était que — nonobstant que cette négociation était actuellement si peu parvenue encore à sa consistance qu'on ne s'était pas même ouvert, encore d'une manière détaillée au ministre anglais sur les demandes qu'on ferait, lesquelles par conséquence n'étaient ni connues ni agréées du roi d'Angleterre — on faisait pourtant déjà des arrangements militaires, comme si l'affaire était entièrement portée à sa maturité. L'on ajoute qu'au cas que l'Angleterre agréerait les conditions qu'on lui demanderait, l'intention de la Russie était d'assembler en Livonie et à la Mer Baltique jusqu'à 70,000 hommes, dont 56,000 seraient donnés à l'Angleterre pour le compte des subsides, et que, quand la réquisition de ceux-ci serait faite, on ferait marcher effectivement pour remplir ses engagements antérieurs avec cette couronne jusqu'à 70,000 hommes, afin de pouvoir agir d'abord en cas d'évènement. Au surplus, l'on m'apprend que l'Impératrice étant revenue de Troiza à Moscou avec les deux Chanceliers dans sa suite, sans y avoir pu voir<23> cette Princesse, la négociation du sieur Guy Dickens en était encore dans les termes ci-dessus rapportés, qu'en attendant le chancelier Bestushew s'était ouvert envers lui que la Russie demanderait à l'Angleterre, le cas existant de la réquisition des troupes, trois millions d'écus de Hollande et un million pour tenir prêtes les troupes, mais qu'on se contenterait, au cas que les mesures vigoureuses qu'on prendrait, dussent rétablir la tranquillité peu de temps après la réquisition faite, de ne toucher ces subsides que jusqu'au temps que le corps des troupes russiennes aurait regagné ses frontières.

Je vous communique tout ce long détail, afin que vous sachiez aviser et me mander fidèlement si les propositions ci-dessus mentionnées sauraient bien être goûtées du ministère anglais, et si on voudra se résoudre à payer la somme de subsides susmentionnée. J'attends votre rapport là-dessus, que vous m'adresserez immédiatement.

Federic.

Nach dem Concept.



22-1 Bericht des Legationssecretärs Plesmann, Dresden 14. Juli, über den Inhalt zweier Berichte des sächsischen Gesandten von Funcke an den Grafen Brühl, d. d. Moskau 7. und 14. Juni.