6047. AU LORD MARÉCHAL D'ÉCOSSE A PARIS.

Potsdam, 25 septembre 1753.

J'ai bien reçu le rapport que vous m'avez fait du 14 de ce mois. Quant au traité fait entre la cour de Vienne et le duc de Modène, je ne puis en bon et fidèle allié de la France que lui communiquer ce qui m'en est revenu;110-1 c'est après à son ministère d'en faire tel usage qu'il lui plaira.

J'attends à présent votre rapport sur la réponse que vous aurez de M. de Contest touchant ma dernière réponse110-2 relativement aux mauvais procédés des ministres anglais touchant l'affaire des prises.

Si mes lettres de Londres110-3 accusent juste, la cour de Vienne cherche à engager cette dernière de donner des subsides à la Russie, et le comte Colloredo doit avoir détaillé au duc de Newcastle tous les mouvements que l'Impératrice-Reine s'était donnés pour engager celle de Russie d'entrer dans les vues du roi d'Angleterre, mais que la cour de Moscou ne voudrait rien faire sans subsides, qu'on croyait cependant à Vienne qu'elle rabattrait quelque chose de ce qu'elle avait demandé d'abord, et que, pourvu qu'on accordât la valeur de 70,000 livres sterling par<111> année, elle entretiendrait un corps de 60,000 hommes en Livonie à la disposition du roi d'Angleterre, et que, si on venait à l'employer, on paierait alors un autre subside proportionné au premier projet remis au sieur Guy Dickens.111-1

L'on m'assure cependant que ces insinuations n'avaient pas fait fortune, et que la plupart du ministère persistait à ne pas vouloir ouvrir les cordons de la bourse. L'on m'ajoute que, bien que le ministre anglais paraissait fier de ce qu'il se trouvait fort assuré d'une grande majorité dans le prochain Parlement, et sur ce qu'il se croyait assuré de pouvoir mettre en jeu les deux cours impériales d'abord qu'il voudrait leur donner de l'argent, qu'en outre il faisait sa cour au Roi leur maître, qui n'avait jamais vu avec trop de plaisir les apparences d'un accommodement avec moi, de ne pas vouloir démentir leur tribunaux; mais que, malgré tout cela, le susdit ministère ne pouvait ni osait demander dans le moment présent satisfaire aux subsides que la cour de Moscou demandait, et qu'il ne saurait qu'à se tenir au langage pour prier la Russie par de beaux compliments de rester dans les mêmes sentiments où elle était, et de s'excuser auprès d'elle de ce qu'on ne saurait lui donner de l'argent dans les circonstances présentes. Enfin, qu'il convenait au ministère d'étouffer les différends avec moi à cause de leurs intérêts particuliers, et, pourvu que la France leur parlerait du haut ton, il y aurait tout apparence que les différends seraient accommodés, sans quoi le ministère anglais saurait laisser tramer l'affaire sur le tapis comme un germe à des suites sérieuses.

Je laisse à votre discernement l'usage que vous voudrez faire des susdites circonstances envers M. de Contest, auquel vous laisserez adroitement et avec toute la délicatesse requise glisser la réflexion, pour le piquer d'honneur, que du temps de Louis XIV un ministère anglais ne se serait point émancipé d'agir, dans un cas pareil de négociation que celui dont il est question, avec si peu de ménagement envers la France.

Au reste, je ne saurais point m'imaginer encore que le ministère anglais voudrait tout de bon aller commencer la guerre pour un objet de si mince importance.

Federic.

Nach dem Concept.



110-1 Vergl. S. 64. 109.

110-2 Vergl. S. 103.

110-3 Bericht Michells, London 14. September.

111-1 Vergl. S. 99.