6156. AU LORD MARÉCHAL D'ÉCOSSE A PARIS.

Berlin, 5 janvier 1754.

Je n'ai reçu qu'hier les deux rapports que vous m'avez faits du 17 et du 21 du mois dernier, sur le dernier desquels je suis bien aise de vous informer que, selon de bonnes notions205-3 que j'ai eues par rapport à ce qui se négocie entre les ministres de Russie et le sieur Guy Dickens en Russie, touchant le projet de convention de subsides,205-4 cette négociation paraissait aller fort en longueur; qu'il n'y avait pas eu encore de la conférence entre les ministres, mais que le grandchancelier Bestushew paraissait très mal édifié de la réponse de la cour anglaise, et que l'offre de 200,000 livres sterling205-5 lui paraissait être trop mince pour l'entretien d'un corps de troupes aussi considérable et lui semblait avoir perdu à ses yeux tout son agrément; que les ordres expresses du sieur Guy Dickens de s'en tenir à la simple communication d'une copie du contre-projet et de ne s'expliquer absolument sur rien par écrit, et une maladie arrivée au baron de Pretlack qui l'empêchait d'employer le crédit qu'il avait sur l'esprit du Chancelier à acheminer l'affaire, seraient, encore, des anicroches, de sorte qu'il y avait à présumer que, malgré l'envie qu'on avait en Russie de se procurer de l'argent, toute cette négociation serait suspendue au croc pour bien du temps.

D'ailleurs, j'apprends par mes lettres de Londres205-6 que le projet des arrangements subsidiaires paraissait là comme suspendu, que les ministres étaient peu occupés des affaires étrangères, mais que les parlementaires fixaient au contraire leur attention, et que celles d'Irlande, où il y avait une assez forte fermentation, leur donnaient toujours de l'inquiétude. Qu'ils tâchaient d'expédier celles-ci, autant qu'ils pouvaient, afin de pouvoir mettre à même le Roi de passer la mer au printemps, qui continuait d'être de mauvaise humeur dans l'incertitude où il était sur ce voyage, dont on ne savait dire rien de positif, soit pour ou contre,<206> que de quelque temps. Que le comte Colloredo pressait en vain les ministres de s'expliquer sur ce qu'ils voudraient faire, en cas que la Russie n'accepterait pas leurs propositions, qu'il n'en tirait que des réponses vagues et qu'il ne désavouait pas à ses intimes que, du ton chancelant que le ministère anglais s'expliquait actuellement envers lui sur ces affaires, il craignait beaucoup que, si je venais à un accommodement avec l'Angleterre et que la France continuât d'autre côté de leur donner bonnes paroles sur les contestations qu'ils avaient ensemble, tout le chipotage avec la Russie ne s'en allât en fumée; et qu'enfin le comte Colloredo était fort surpris de voir qu'on se ralentissait si fort sur tous les arrangements que sa cour avait fait insinuer là avec bien du succès, et qu'il craignait que cela n'allât en augmentant.

Vous ne manquerez pas d'informer confidemment M. de Contest de toutes ces particularités, en lui insinuant de ma part que, selon ces circonstances, il me paraissait, et que je me conformais parfaitement à son sentiment, qu'il ne faudrait rien toucher de mes différends avec l'Angleterre, tandis que le Parlement présent resterait assemblé,206-1 mais que mon avis était que, pendant l'intervalle du temps entre le Parlement présent congédié et un peu avant l'ouverture du nouveau Parlement, il faudrait prendre bien à propos le moment pour faire la proposition aux ministres anglais, afin de remettre la négociation sur mes différends avec l'Angleterre et tâcher de l'accommoder à l'amiable, pour ne plus laisser lieu à la cour de Vienne de parvenir à ses vastes vues. Quant à cet horloger qui a envie d'aller s'établir à Berlin, vous pourrez lui dire qu'il sera accommodé du titre d'horloger [de la cour],206-2 et qu'on lui fera toutes les aisances possibles, pourvu qu'il ne demande que ce titre.

Federic.

Nach dem Concept.



205-3 Maltzahn's Bericht, Dresden 1. Januar, nach Bericht Funcke's an Brühl, Moskau 29. November.

205-4 Vergl. S. 192.

205-5 Vergl. den Geheimen Artikel des englischen Gegenprojectes; S. 195.

205-6 Berichte Michell´s, London 18. und 21. December.

206-1 Vergl. S. 202.

206-2 Ergänzt aus dem Bericht vom 21. December 1753.