6354. AU CONSEILLER PRIVÉ DE GUERRE DE KLINGGRÆFFEN A VIENNE.

Potsdam, 30 mai 1754.

Les deux courriers qui étaient prêt„s à partir, l'un pour Pétersbourg et l'autre pour Londres, quand vous me fîtes votre rapport du 22 de ce mois, auront été apparemment chargés des dépêches relatives aux grandes différences qu'il y a, encore entre les ministres de Russie et de l'Angleterre par rapport au traité de subsides que le sieur Guy Dickens a négocié jusqu'ici, et dont je vous ai assez informé à son temps343-4 que la cour de Vienne voudra tâcher de concilier. Car je veux bien vous communiquer, quoique sous le sceau du dernier secret et avec ordre de n'en rien faire apercevoir à qui que ce soit, que je suis informé de très bon lieu qu'il s'en faut bien que la Russie se veuille contenter de la somme modique des subsides que l'Angleterre lui avait offerte comme son ultimatum; bien au contraire, après bien des conférences qu'il y a eu entre les ministres de Russie et le sieur Guy Dickens, et le rapport qu'on en a fait à l'impératrice de Russie, celle-ci a fait signifier au commencement du mois d'avril passé à son ministère sa dernière résolution, en conséquence de laquelle on a présenté dans une conférence<344> tenue le 8 d'avril344-1 au sieur Guy Dickens un mémoire par écrit, avec un nouveau contre-projet, comme un ultimatum, selon lequel, au lieu de 300,000 livres sterling que l'Angleterre avait offertes par an, dans le cas que les troupes russiennes marcheraient et agiraient effectivement, on y insiste sur la somme de 500,000 livres, outre les provisions à livrer dans des pays neutres, et, pour l'attente ou pour des Wartegelder, dans un temps de paix, la somme de 200,000 livres par an, que l'Angleterre avait offerte une fois pour toutes,344-2 pendant les quatre ans que le traité durerait.

Voilà apparemment ce qui a été le sujet du mécontentement de l'Impératrice-Reine et de son ministère, dont vous m'avez fait mention par vos dépêches antérieures, et ce qui a causé l'envoi des courriers susdits, et cette grande disproportion entre les offres et les demandes des deux parties, me fait présumer, je crois avec raison, ou que toute cette négociation échouera, ou qu'au moins il y aura bien des contestations entre les ministres des deux côtés, avant qu'on se réunira des sentiments et des vues.

Au reste, on vient de me marquer qu'à Vienne le crédit du maréchal de Neipperg doit bien augmenter depuis la mort de la comtesse de Fuchs, au lieu que celui du général Léopold Daun va en diminuant, et que le premier rejette tout ce que l'autre a porté et soutenu en fait de guerre. L'on ajoute d'ailleurs que, par ordre de l'Impératrice-Reine, le maréchal Neipperg était actuellement occupé à travailler secrètement sur deux plans d'opération de guerre, qu'il donnerait par écrit, et qu'il se flattait qu'en cas de guerre il saurait bien avoir sous ses ordres une armée.

J'ai bien voulu vous communiquer ces avis afin de vous mettre sur la voie de vous en orienter et de me marquer ce qui en pourrait être vrai ou non, avec d'autres circonstances dont vous vous aurez aperçu à ce sujet.

Federic.

Nach dem Concept.



343-4 Vergl. S. 211.

344-1 Vergl. S. 342 Anm. 2.

344-2 Vergl. S. 195.