6559. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION HELLMUTH- BURCHARD DE MALTZAHN A STOCKHOLM.

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Maltzahn berichtet, Stockholm 29. November: „La Reine m'a fait la confidence d'une démarche qu'elle a fait faire auprès d'un Français nommé Dangeuil, qui est ici depuis quelque temps. Il est maître d'hôtel du roi de France et il voyage, à ce qu'on dit, uniquement pour s'instruire, en s'appliquant surtout à ce qui peut avoir rapport aux finances et au commerce. Il a écrit un livre sur le commerce qui a pour titre à peu près : Réflexions sur le commerce de la France et de l'Angleterre. Tous disent beaucoup de bien de ce livre, il y en a pourtant qui prétendent qu'il n'a fait que ranger dans un bon ordre ce qui a déjà été dit dans des livres anglais qui traitent du commerce. C'est un jeune homme qui paraît avoir 26 ans. Ses manières n'annoncent pas toujours un homme qui voyage pour des motifs aussi sérieux que les siens. Il a beaucoup de minauderies et de petitemaitrise dans ses façons, d'ailleurs il paraît avoir de l'esprit. Il plut assez en arrivant ici, il y a cinq semaines; du depuis il m'a paru qu'on le goûtait moins. Cependant, il a été reçu à l'académie de

Potsdam, 17 décembre 1754.

Les dépêches que vous m'avez faites du 29 de novembre dernier et du 3 de ce mois, m'ont été rendues à la fois. Ce que vous me marquez de la démarche que ma sœur, la Reine, a fait faire auprès d'un nommé Dangeuil, m'a sensiblement mortifié, vu qu'elle n'en aurait su faire une plus fausse; aussi j'approuve parfaitement la réponse que vous lui avez faite sur ceci et applaudis fort à ce que vous ne vous êtes point mêlé de cette affaire. Tâchez, en attendant, à rectifier au possible et par tous les moyens convenables ma sœur làdessus, en lui représentant toute l'incongruité de vouloir employer à des affaires aussi importantes un

Stockholm où il a fait dans le discours qu'il y a tenu à sa réception, un éloge si outré des Suédois et de leur pays qu'il peut dorénavant être assuré de l'approbation de la nation, n'y en ayant au monde qui reçoive aussi avidement les louanges, quelque peu mesurées qu'elles puissent être. Je suis entré dans tout ce détail pour faire connaître à Votre Majesté l'homme dont il est question. La Reine m'a dit lui avoir fait parler sur les affaires de ce pays-ci, sur l'intérêt que la France avait d'être plutôt liée avec le Roi qu'avec un parti de la nation, ainsi que sur la conduite de l'Ambassadeur. Que le sieur Dangeuil était parfaitement entré dans le sentiment de celui qui lui avait parlé, et avait fort désapprouvé la conduite du marquis d'Havrincourt. Qu'il avait même fait sentir en quelque manière qu'il pourrait faire des insinuations à ce sujet à la cour de France, en demandant à celui qui lui avait parlé, quelle sûreté il aurait d'être cru et avoué de ce qu'il disait, et que celui-ci lui avait répondu qu'il jugeait bien qu'il ne lui parlerait pas, comme il faisait, s'il n'avait pas des ordres pour cela. A quoi le sieur Dangeuil a répliqué que cela lui suffisait. La Reine me dit qu'il faudrait voir encore combien on pourrait se fier à lui, et que son avis serait que si on le trouvait tel qu'il fallait pour cette affaire, qu'il faudrait alors que Votre Majesté fît déclarer par Son ministre à la cour de France qu'on pouvait ajouter foi à tout ce que 1e sieur Dangeuil dirait sur les affaires de ce pays-ci. La Reine m'a enjoint de ne point écrire encore sur tout ceci à Votre Majesté, mais d'attendre qu'elle eût fait parler de nouveau au sieur Dangeuil. Votre Majesté voudra donc bien ne faire mention aucune dans Ses lettres de ce que je Lui rapporte aujourd'hui. En attendant, j'ai dit tout uniment à la Reine ce que je pensais sur le sieur Dangeuil; que je ne pensais lui faire aucun tort, surtout ne l'ayant pu connaître qu'autant que je l'avais vu dans le public, mais que je remarquais assez d'étourderie dans ses manières, qui étaient moins celles d'un homme posé et qui s'appliquait à des matières importantes et profondes, que celles d'un homme qui se

homme de néant, aventurier, sans credit et sans aveu; que la France sifflerait s'il s'arrogeait jamais de se mêler de pareilles choses, sans que jamais tel ministre étranger à la cour de France saurait le soutenir ni l'appuyer. Remontrez, d'ailleurs, à ma sœur combien cette cour serait indignée, si l'on procédait d'une manière aussi peu décente envers elle, et que ce serait même contre la dignité de ma sœur de s'ouvrir à un tel petit bourgeois, léger d'esprit, et qui peut-être la trahirait aussi facilement qu'il paraît vouloir lui rendre service.

Pour ce qui regarde l'entretien que vous avez eu avec le marquis d'Havrincourt, j'en suis bien aise de ce que vous vous êtes expliqué avec lui. Je ne vois que trop que le rôle que vous aurez à jouer, vous deviendra plus difficile, plus les affaires de ce pays-là s'embrouilleront, mais il faut bien que vous le souteniez et que vous y agissiez avec toute la prudence humainement possible.

J'espère que la lettre à ma sœur que je vous ai adressée l'ordinaire dernier sous un simple couvert,495-1 vous aura été fidèlement rendue et que vous l'aurez remise à sa destination.

Au reste, songez à remédier un peu aux amples dépêches que vous m'avez faites jusqu'à présent, de sorte que vous les fassiez moins détaillées, quand il ne s'agit pas des négociations ou d'autres affaires

destinait à passer sa vie dans les ruelles des femmes. Qu'au reste, il se pourrait qu'il joignît à tout cela beaucoup de solidité, comme le faisaient quelquefois ceux de sa nation, et que je ne pouvais rien décider à son désavantage. La Reine me dit que, de la façon dont elle s'y prenait, elle ne risquait rien du tout, ne faisant parler au sieur Dangeuil qu'entre quatre yeux et qu'il n'y aurait jamais un mot d'écrit sur tout ceci. Je répondis à Sa Majesté que je m'en rapportais bien à elle des précautions à prendre; j'ajoutai que je me doutais de la personne que Sa Majesté avait employée auprès du sieur Dangeuil, et la Reine me dit sur le champ qu'elle s'était servie du sieur Dalin,496-1 précepteur du prince Gustave, qui était effectivement celui que je soupçonnais avoir été chargé de la commission. Je me suis informé auprès de Sa Majesté de quel moyen le sieur Dangeuil comptait de se servir à la cour de France pour faire ses insinuations, si c'était par écrit ou de bouche, puisqu'il compte d'y retourner au printemps; mais, autant que j'ai pu comprendre, il n'y a encore rien eu de décidé là-dessus.“

Maltzahn berichtet, Stockholm 3. December, dass er sich in dem von dem Könige gutgeheissenen Sinne496-2 mit Havrincourt ausgesprochen habe, „Le fruit que cet entretien a produit jusqu'ici, a été que ce ministre a été fort empressé à me prévenir par toutes sortes de politesses qu'il négligeait auparavant. J'y réponds par un pareil et j'espère que je serai plus à mon aise désormais avec lui. Pour les affaires, je doute qu'il y ait beaucoup plus de confiance entre nous qu'il y en a depuis quelque temps, la situation de l'Ambassadeur, qui est entièrement livré au Sénat, ne permet pas qu'il y ait une confiance entière entre lui et le ministre de Votre Majesté.“

importantes qui demandent de grands détails.

Federic.

 

Nach dem Concept.

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495-1 Das Schreiben liegt nicht vor. Vergl. S. 479 Anm. 3.

496-1 Vergl. S. 256.

496-2 Vergl. S. 456.