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6745. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A PARIS.

Potsdam, 19 avril 1755.

J'ai reçu votre rapport du 7 de ce mois,1 qui m'a extrêmement choqué par le pitoyable raisonnement que vous y avez fait, en voulant comparer le parti de la France en Europe contre celui de l'Angleterre, en sorte que je ne veux point vous cacher que jamais je n'ai reçu aucune relation de quelqu'un de mes ministres aux cours étrangères aussi légère et peu solide que celle de vous, remplie de faussetés ouvertes et de gasconnades ridicules de jeune homme sans fond et sans expérience. Aussi en suis-je si mal édifié, comme si elle m'était venue de la part d'un jeune homme qui ne fait que de sortir du collège, qui se laisse imposer par des gens fanfarons, et qui prend du clinquant pour de l'or. Enfin, je ne puis pas finir sur cet article sans vous dire encore qu'il faut que vous ayez fabriqué cette relation sur des propos légers d'une compagnie de petits-maîtres ou de quelques dames qui ne sont jamais sorties de Paris, ou bien sur ceux de quelqu'un qui, rempli de prévention ridicule, n'a aucune connaissance ni de l'état de la France ni de celui de l'Angleterre. C'est donc en conséquence que je vous avertis sérieusement de ne plus donner dans de pareilles bévues grossières, mais de réfléchir bien sur ce que vous voulez me mander, afin de ne pas perdre autrement toute ma confiance.

Quant à la proposition que vous me faites de permettre qu'il soit établi une correspondance entre vous et mon chargé d'affaires à Londres, je vous dirai que je ne la trouve point convenable, vu que cela ne mènerait qu'à des méfiances et des soupçons qui feraient tort à l'un et à l'autre, et que tout au plus vous n'en apprendrez rien au delà de ce que vous savez déjà avec toute la certitude morale, savoir que l'intention de la cour de Londres est de déclarer la guerre à la France, dès que ses arrangements seront faits, et que c'est à ce but que vont toutes les mesures qu'elle prend soit en dedans du royaume, soit en dehors avec ses alliés, comme il le paraît peu équivoquement par l'envoi qu'elle vient de faire du chevalier Williams en qualité d'ambassadeur à Pétersbourg pour conclure un traité de subsides avec la Russie.1

Federic.

Nach dem Concept.


6746. AU SECRÉTAIRE BENOÎT A VARSOVIE.

Potsdam, 19 avril 1755.

Le rapport que vous m'avez fait du 9 de ce mois, m'a été rendu. Comme vous comptez pour infaillible l'arrivée de l'ambassadeur turc à Varsovie et que vous croyez l'y voir et l'y parler plus à votre aise qu'a Bialystock, j'en suis content. Et quant au tour que vous croyez être



1 Vergl. S. 124.