<165> son dernier mémoire, je veux bien vous dire que, selon mes dernières nouvelles de Londres,1 cet ambassadeur continue de se conduire si faiblement que le ministère anglais, à force de l'amadouer et de lui faire des sincérations vagues et qui ne portent à rien, lui fait accroire tout ce qu'il veut, de sorte que, tandis qu'on renforce l'escadre de Boscawen2 de sept vaisseaux de ligne, qui sont actuellement partis de Spithead, et qu'on a donné des ordres à cet amiral d'attaquer l'escadre de France, quand il la joindra en deçà du 47e degré de latitude, en leur faisant querelle sous prétexte de pavillon et même sans prétexte, le susdit ambassadeur est si bon qu'il se fait imposer par les ministres anglais, quand ils lui assurent que le sieur Boscawen n'avait pas ordre d'attaquer l'escadre française, à moins que ce ne fût en Amérique, au cas que les établissements anglais fussent attaqués par les Français. Et, comme d'ailleurs le ministère de France se conduit à son tour aussi faiblement que je vous l'ai fait marquer par la dépêche ci-jointe de mes ministres, je crains fort qu'ils ne s'en mordent aux doigts, vu qu'ils n'en rendent celui de l'Angleterre [que] plus roide et plus fier, au point qu'à coup sûr il ne voudra entendre parler sérieusement d'accommodement sans coup férir.

Au reste, vous verrez par l'extrait ci-clos chiffré du chiffre immédiat dernier, dont vous ne vous servez plus, ce qui est arrivé à Stockholm avec l'ambassadeur de France. Comme je me suis donné depuis quelque temps toutes les peines possibles pour raccommoder au possible le marquis d'Havrincourt avec la reine de Suède et que j'avais réussi jusque là qu'ils se sont parlés à quelques reprises,3 je suis fâché de voir renversé mes bons desseins par l'évènement dont il s'agit. Vous ne manquerez pas d'en parler modestement à M. de Rouillé, en lui insinuant combien j'aurais souhaité que le marquis d'Havrincourt se fut pris avec un peu plus de politesse à cette occasion, ayant bien pu être présent à la fête du jour de naissance du Roi et se retirer sous quelque prétexte honnête avant le souper.

Federic.

Extrait.

La reine de Suède avait fait dire aux ministres étrangers que ceux qui voudraient venir le 14 de mai à Drottningholm, à cause du jour de la naissance du Roi, en avaient la permission, mais que, comme l'arrangement de la fête que la Reine y voulait donner au Roi, exigeait que Leurs Majestés soupassent dans de petits appartements qui sont dans la maison de la comédie, tous ne pourraient pas être admis à la table du Roi, qu'ainsi il y aurait deux tables, celle du Roi et du prince Gustave, et qu'on tirerait aux billets.

Tous les ministres étrangers ont été à Drottningholm ce jour-là, hormis l'ambassadeur de France, qui s'en est dispensé pour ne pas




1 Vergl. Nr. 6813.

2 Vergl. S. 157.

3 Vergl. S. 67. 89.