<63> ne sorte jamais d'entre vos mains. Il serait inutile de vous recommander encore de prendre toutes les sûretés imaginables sur vos cassettes ou bureaux où vous serrez vos chiffres et vos papiers de conséquence, afin qu'il n'y puisse arriver quelque malheur par une main traîtresse, vu que je connais votre dextérité, et que la longue expérience que vous avez, vous fera assez aviser aux moyens sûrs pour ne pas avoir à craindre de pareils inconvénients.

Federic.

P. S.

Voici ce que nous venons d'apprendre de nouvelles de Constantinople par le secrétaire d'ambassade de la cour de Suède1 auprès de son ministre à la Porte, le sieur de Celsing, qui a passé par Berlin pour se rendre en toute diligence à Stockholm, chargé des dépêches de ce ministre et de la lettre de notification du nouveau Grand-Seigneur au roi de Suède sur son avènement à l'Empire ottoman, et qui est parti le 20 du mois passé de Constantinople, ayant pris sa route par la Pologne. Selon son récit, le nouveau Grand-Seigneur est un prince de cinquante huit ans, étant né l'année 1697, d'une constitution assez robuste et vigoureuse, ambitieux, ferme et fier, pour ne pas dire un peu farouche. Il paraît assez vouloir gouverner par lui-même, et ayant étudié pendant sa longue retraite l'histoire de ses ancêtres, il s'est proposé le grand Soliman Ier pour modèle de son gouvernement.2

Ses principaux soins ont été, du jour qu'il a été proclamé empereur, à régler les finances et à redresser les abus qui s'y étaient glissés par la nonchalance de son prédécesseur, quoique le dernier lui ait laissé des trésors immenses en argent comptant. Il a averti les principaux officiers de l'empire d'être sur leurs gardes et de s'abstenir de toutes les sortes de prévarications. Il a aussi d'abord ordonné qu'on remplît avec toute la promptitude imaginable les arsenaux de mer et de terre qui sont à Constantinople, et qu'on avait fort négligés jusqu'ici.

Les ordres ont été donnés également de réparer incessamment tous les grands chemins et les routes militaires que les troupes sont obligées de tenir, avec les étappes; le susdit secrétaire a vu lui-même, à son passage par la Moldavie, qu'on y travaillait.

Le sultan Osman a, à la vérité, confirmé à son avènement au trône tous ceux qui étaient dans les premières charges et places de son empire, mais cela n'a pas duré longtemps. Il a commencé par déposer le Mufti, dont il a découvert les intrigues et le penchant pour son cousin, qu'il aurait voulu mettre sur le trône à sa place, s'il avait pu. Le Cadileskier, ou un des principaux chefs de la loi, a été déposé également. Le Grand-Visir3 aura en peu le même sort, et ce Prince a destiné le bâcha de Trébizonde pour lui succéder, dès qu'il trouvera a propos de se défaire du premier.



1 Vergl. Nr. 6656.

2 Vergl. S. 51.

3 Mustafa.