6579. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A PARIS.

Berlin, 3 janvier 1755.

J'ai reçu votre dépêche du 23 décembre dernier, par laquelle j'ai appris avec bien de la satisfaction les sentiments que M. de Séchelles a fait paraître à mon égard à l'occasion de mon intercession pour le sieur Darget;1-1 aussi vous ne manquerez pas de lui en faire le compliment le plus affectueux de ma part que vous saurez imaginer, pour le remercier de son attention.

J'ai de la peine à me persuader qu'on voudrait déplacer le sieur de Bussy,1-2 vu sa grande routine dans les affaires et le besoin qu'on a de lui.

Quant à la mort subite du lord Albemarle, mandez-moi ce que vous savez des liaisons qu'il a eues, à ce qu'on prétend, avec Madame de Pompadour,1-3 et si elle le regrette particulièrement.

Comme je viens d'apprendre par mes lettres de Vienne la triste nouvelle qu'on a reçue là par un exprès de la mort du comte Desalleurs à Constantinople,1-4 vous devez en parler d'abord à M. de Rouillé, qui apparemment en sera déjà informé, et vous donner, d'ailleurs, tous les soins possibles pour presser à ce qu'on remplace son poste à Constantinople, au plus tôt mieux, par un sujet habile et qui suive au possible les traces que feu le comte Desalleurs a cheminées. Vous savez, et les ministres de France en doivent être convaincus, que mes vues ne sont du tout d'engager la Porte Ottomane à quelque guerre contre ses voisins, il me suffira que la France songe seulement pour y avoir un ministre habile qui entretienne la Porte dans l'attention sur les démarches et les vastes vues des deux cours impériales qu'elle a montrée dernièrement, et qui la fasse parler, quand il le faut, aux deux cours, dont nous avons vu l'effet admirable par rapport à l'affaire de l'ordination d'Ostrog en Pologne1-5 et à celle de la forteresse de Sainte-Elisabeth dans la Nouvelle Servie,1-6 et il est certain que rien ne peut mieux contenir la cour de Vienne que l'attention que la Porte montre avoir sur ses démarches.1-7 Il sera d'autant plus nécessaire que la France se presse<2> d'envoyer un sujet capable au poste de son ministre à Constantinople que le sieur Celsing, ministre de Suède, a marqué que la mort du comte Desalleurs était une perte réelle, puisque la Porte avait tiré par ce canal avec beaucoup de confiance des informations des cours étrangères, ce qui tomberait présentement sur lui, pour contre-balancer et détruire les faussetés que les deux cours impériales répandaient continuellement sur la France et sur moi ; enfin, qu'il pressait extrêmement de réparer la perte du comte Desalleurs, afin de prévenir que l'Angleterre et ses alliés ne gagnent trop de terrain, si l'arrivée d'un nouvel ambassadeur de France traîne tant soit peu.

Au reste, pourvu que le cuisinier que vous engagerez pour moi, soit bon et très habile dans son métier, vous lui accorderez des gages jusqu'à 600 écus d'Allemagne, mais non pas au-delà.

Federic.

Nach dem Concept.



1-1 Vergl. Bd. X, 445.

1-2 Vergl. Bd. X, 478.

1-3 Vergl. Bd. X, 474.

1-4 Vergl. Bd. X, 486.

1-5 Vergl. Bd. X, 469.

1-6 Vergl. Bd. X, 464.

1-7 Vergl. Bd. X, 485.