6749. AU CONSEILLER PRIVÉ DE GUERRE DE KLINGGRÆFFEN A VIENNE.

Potsdam, 22 avril 1755.

Votre dépêche du 12 de ce mois m'a été bien rendue. Puisqu'en conséquence de mes nouvelles lettres les Anglais ne veulent se prêter à aucune des voies les plus modérées et équitables que la cour de France leur propose pour ramener le calme entre les deux nations, et qu'ils veulent absolument que la France subisse les lois qu'ils lui voudront imposer, l'on ne voit que trop que le feu de la guerre éclatera bientôt par mer, et qu'il ne faut plus penser à la paix entre ces deux puissances.

Selon mes lettres, le roi d'Angleterre, tout comme son ministre, le duc de Newcastle, voudraient bien que les différends s'accommodassent, l'un pour passer tranquillement dans ses États d'Allemagne, et l'autre pour conserver pendant la paix son influence dans les affaires, laquelle il ne saura conserver que difficilement dans un temps de guerre; mais la faction contraire dans le Conseil, à laquelle le lord Carteret s'est mis à la tête, a su autant échauffer la nation et couvrir si bien ses vues sous le prétexte spécieux de l'intérêt et de la gloire de la nation et du moment favorable pour frapper le grand coup sur l'Amérique et sur la marine de France, que malheureusement leur sentiment entraîne les autres.128-4

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Cependant, parceque la cour de Vienne se voit actuellement bien serrée par rapport à ses affaires de Hongrie,129-1 il en saura peut-être arriver heureusement que la guerre ne puisse pas se communiquer à l'Europe pour devenir générale, car, pourvu que les Anglais ne s'y puissent pas servir des Autrichiens, il faut bien qu'ils demeurent cois, et voilà peut-être le seul évènement qui pourra empêcher que la guerre ne devienne générale.

Au surplus, comme vous m'avez marqué plusieurs fois qu'il y avait beaucoup de difficulté de savoir exactement à Vienne ce qui se passe par rapport aux révoltes en Hongrie, j'espère d'en avoir bientôt de bonnes informations par des voies détournées que je ne manquerai pas de vous communiquer, ce qui ne vous empêchera pas de continuer, en attendant, de vous en instruire au mieux possible.

Federic.

Nach dem Concept.



128-4 Vergl. S. 122.

129-1 Vergl. S. 127.