6904. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A COMPIÈGNE.

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Knyphausen berichtet, Compiègne 20. Juli: „M. Rouillé et plusieurs de ses confrères m'ayant demandé à mon arrivée ici230-5 comment Votre Majesté était satis-

Potsdam, 2 août 1755.

La dépêche que vous m'avez faite du 20 du mois passé de juil-

faite du chevalier de La Touche,231-1 je m'en suis expliqué avec eux d'une façon conforme aux ordres qu'Elle m'avait donnés à ce sujet à mon départ de Wésel, Je les ai trouvé tout préparés à cette nouvelle et généralement persuadés qu'il était nécessaire qu'on rappelât ce ministre et qu'on y envoyât quelqu'un qui fût agréable à Votre Majesté. Ils n'ont fait de choix jusqu'à présent, mais plusieurs d'entre eux paraissent incliner pour M. de Valory, et je ne serais point surpris qu'on le nommât à ce poste, si Votre Majesté y donne Son agrément. La position dans laquelle on se trouve actuellement ici, et la grande envie qu'on a de complaire à Votre Majesté,231-2 me font soupçonner qu'on se décidera incessamment à ce sujet et qu'on ne tardera à m'en parler. Je crois, en attendant, devoir prévenir Votre Majesté qu'il pourrait bien arriver qu'on envoyât actuellement un militaire à la cour de Votre Majesté, pour Lui porter les propositions qu'on s'est déterminé à Lui faire, et pour Lui communiquer les plans d'opérations auxquels on se fixera. Cet avis me vient de fort bon lieu, et on m'a assuré qu'il avait été ouvert dans le Conseil. … Il m'a même paru hier, quoiqu'on m'ait parlé avec beaucoup de réserve et de mystère, qu'on n'était point décidé encore si l'on s'en tiendrait à l'Angleterre seule en qualité d'agresseur ou si l'on entamerait ses alliés. Si l'on prend, comme cela pourrait bien arriver, le premier de ces deux partis, la guerre ne se communiquera point cette année aux alliés de la France, et ils auront le temps de se préparer et de se décider pour le parti qui leur paraîtra le plus convenable. Votre Majesté trouvera même à cet égard plus de facilité qu'aucun des autres alliés, attendu que le traité d'alliance défensive qui subsiste entre Elle et cette puissance, échoit au commencement de l'été prochain.“231-3

let, m'a été bien rendue, au sujet de laquelle je veux bien commencer à vous dire que, si la cour où vous êtes veut m'envoyer le marquis de Valory, il ne me sera point du tout désagréable, pourvu seulement qu'il ait la faveur et la confiance des ministres de France, sans quoi il n'y aurait rien à faire par lui.

Je vous dis, d'ailleurs, que je n'ai point été surpris, quand j'ai appris par votre dépêche l'embarras dans lequel les ministres de France se trouvent pour prendre leur parti, après l'insulte qui leur a été faite en Amérique par les Anglais,231-4 vu qu'ils n'y ont point voulu songer avant le cas arrivé, malgré tous les fidèles avis qu'on leur en a donnés afin de s'y préparer.231-5 C'est aussi pourquoi vous ne laisserez point échapper les occasions qui s'y offriront, pour leur insinuer en termes très modestes, et qui ne sentent nullement le reproche, comme s'il avait paru quelquefois qu'ils ajoutaient plus de créance à ce que les ennemis de la France leur insinuaient qu'aux avis sincères que les plus fidèles amis de la France leur donnaient, et, comme ils en avaient à présent une expérience toute claire, je les faisais prier de vouloir bien dorénavant avoir plus de confiance aux derniers qu'à tout ce que les autres leur faisaient d'insinuations fausses et de protestations éblouissantes.

Au surplus, si ces ministres viennent à vous demander ce que je ferai dans ces occurences, vous leur répondrez en termes polis que vous n'en étiez pas instruit, mais que vous saviez, à n'en pouvoir douter,<232> que mes circonstances et mes arrangements ne me permettaient absolument point de pouvoir agir dans cette année-ci; avec cela, vous pouvez bien leur récapituler, quoique bien adroitement et en termes fort modérés, ce que je vous ai déjà mandé par une de mes dépêches antérieures232-1 au sujet du mauvais procédé dont on avait agi avec moi au temps de la dernière guerre, où l'on n'avait guère rempli aucun article des engagements qu'on avait pris avec moi, jusqu'à me déclarer à la fin, et quand les Autrichiens joints avec les Saxons étaient à portée d'envahir mes États, de m'aider par ma propre prudence aussi bien que je pourrais,232-2 ce qui ne saurait qu'à me fort intimider encore. Vous observerez cependant bien qu'en faisant ces insinuations aux ministres, vous vous servirez des termes les plus doux que vous saurez imaginer, afin de ne pas les rebuter, ni trop blesser leur délicatesse.

Au surplus, vous ajouterez que la situation particulière où je me trouvais par rapport à mes voisins ennemis, ne me permettait pas d'agir ouvertement, sans que la Porte Ottomane ne se fût déclarée en faveur de la France, et que, d'ailleurs, je ne saurais agir contre l'Hanovre, à moins que l'alliance entre le Danemark et moi ne soit constatée et que celui-ci ne se joignît à l'entreprise sur l'Hanovre.232-3

Au reste, en réfléchissant moi sur tout ceci, il m'est venu la pensée que, pourvu que la France hésitât encore d'attaquer vigoureusement les Pays-Bas, si la France alors ne voudra pas se servir des bons offices de l'Impératrice-Reine et de moi, en nous requérant pour être ensemble médiateurs, afin d'accommoder à l'amiable ses différends avec l'Angleterre. Comme ce n'est qu'une simple idée qui me vient de passer par l'esprit, vous prendrez, nonobstant cela, l'occasion pour en sonder adroitement M. de Rouillé, et me marquerez en après de quelle façon il a senti là-dessus.

N'oubliez pas de me mander quelle impression la rupture des Anglais avec la France a faite sur Madame de Pompadour,232-4 si, malgré cela, elle est encore portée pour l'Angleterre, ou si elle est fâchée de ce que celle-ci lui en a imposé.

Du reste, je veux que vous devez parler au sieur Mitra, afin de le presser sur la résolution qu'on veut prendre au sujet de l'achat du polder en Ostfrise, puisqu'il faut nécessairement que je sache à présent où j'en suis, afin de pouvoir en tout cas me tourner d'un autre côté à ce sujet.232-5

Federic.

Nach dem Concept.



230-5 Vergl. S. 208.

231-1 Vergl. S. 211.

231-2 Vergl. S. 144. 148. 170. 185.

231-3 Vergl. S. 170.

231-4 Vergl. S. 226.

231-5 Vergl. S. 93. 99. 103. 107. 114. 122. 172. 173; Bd. X, 442.

232-1 Nr. 6774.

232-2 Vergl. Bd. IV, 389 Anm. 3.

232-3 Vergl. S. 223. 228.

232-4 Vergl. S. 228.

232-5 Vergl. S. 39.