6974. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A PARIS.

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Knyphausen berichtet, Paris 29. August: „Quant à ce qui concerne Madame Pompadour, il est certain que la trahison que la France a éprouvée de la part de l'Angleterre, a entièrement détruit le penchant qu'elle avait pour cette cour,292-3 et l'a même fort animée contre la nation anglaise. Cet évènement n'a cependant nullement influé sur son crédit, qui ne se maintient non seulement en son entier, mais qui paraît même augmenter tous les jours. L'exil de la comtesse d'Estrades, dame d'atour de Madame Adelaïde, qui a été renvoyée, il y a environ quinze jours, à sa sollicitation, quoiqu'elle fût fort aimée de cette Princesse et qu'elle eût un parti considérable à la cour, est une preuve manifeste de son crédit, tandis que la nomination du duc de Nivernois292-4 et l'extrême confiance qu'on témoigne à l'abbé Bernis, qui sont l'un et l'autre ses créatures, prouvent évidemment qu'elle influe non seulement sur la distribution des grâces et ce qu'on appelle intrigues de cour, mais qu'elle prend part aussi aux affaires les plus importantes. Il est certain qu'on n'a entrepris aucune dé-

Camp de Breslau, 10 septembre 1755.

Votre rapport du 29 du mois dernier d'août m'a été fidèlement rendu, au sujet duquel je vous dirai que j'ai été extrêmement étonné de ce que vous m'avez marqué du crédit illimité de Madame de Pompadour, qui doit avoir gagné prodigieusement depuis très peu de temps, pour être venu au point que vous me l'annoncez.

Quant à l'idée d'une médiation à interposer entre la France et l'Angleterre,292-5 je crois qu'on ne trouverait guère de difficulté de la faire goûter des ministres de France, quand on la leur proposerait, mais qu'il serait très difficile, pour ne pas dire impossible, d'y réussir également auprès du ministère an-

marche dans la conjoncture présente sur laquelle elle n'ait été consultée, et qu'elle a souvent servi d'instrument pour rectifier la conduite des ministres sur une infinité d'objets immédiatement. Le duc de Nivernois, l'abbé de Bernis et le maréchal de Belle-Isle, qui ont actuellement le plus de part à sa confiance, et avec lesquels je suis intimement lié, lui ont fait connaître les abus. Je ne puis même m'empêcher d'observer qu'elle a affiché en cette occasion le plus grand attachement pour Votre Majesté et qu'elle a témoigné beaucoup plus de fermeté que je ne la croyais capable d'en avoir.“

glais, vu qu'après avoir fait sonder adroitement et par manière indirecte le terrain là-dessus, j'ai trouvé que ce ministère est encore dans le premier feu de sa vivacité et dans l'opinion que l'Angleterre n'aura qu'un pas à faire encore pour abîmer entièrement la France, ainsi que toute proposition qu'on ferait audit ministère pour une médiation amiable, serait hors de saison et sans succès dans le moment présent, de sorte qu'il faut que l'idée en question vous reste personnelle,293-1 et que vous ne m'en mêliez du tout, parcequ'elle ne portera à rien.

Je vous recommande encore une fois d'employer toute votre industrie et savoir-faire pour être exactement informé de tous les points qui feront l'objet de la commission qu'on donnera au duc de Nivernois.293-2 Il m'importe extrêmement d'en être averti par vous, avant qu'il nous arrive ici, afin que je sache m'y préparer.

Pour ce qui regarde l'ignorance où M. de Rouillé se trouve actuellement sur tout ce qui regarde les affaires et le système de la Porte, je vous ai déjà instruit qu'en conséquence de mes nouvelles le Grand-Sultan est fort menacé d'être détrôné, et je crois que, dans cet état de fermentation, le sieur de Vergennes ne saura comment se prendre pour arranger ses affaires.293-3

Quant à ce qui concerne les différends qui subsistent encore entre moi et la cour de Suède, vous remercierez poliment le sieur Rouillé de l'attention qu'il a voulu bien prendre sur ces affaires, afin de les composer aimablement par l'entremise de la France;293-4 vous ferez sentir cependant au ministre que ce n'était que purement en égard de la France que je me prêtais à cette conciliation; aussi tournerez-vous tout ceci de la sorte qu'il me soit compté pour un mérite envers la France la complaisance dont j'use dans cette -occasion envers elle.

Au reste, je ne veux point vous laisser ignorer que, selon mes nouvelles de Londres,293-5 l'amiral Hawke a reçu actuellement des ordres d'attaquer les escadres et les vaisseaux marchands des Français partout où il les rencontrera, d'abord que ce seront des captures assez considérables pour mériter la levée de boucliers; de quoi vous pourrez bien avertir les ministres de France.

 

Pour finir cette ma dépêche, il faut que je dise encore que j'ai eu des lettres de Londres294-1 qui, à ma dernière surprise, m'ont marqué tout le détail de ce qui s'est passé entre la cour de France et moi, depuis le temps que la rupture a été faite en Amérique entre l'Angleterre et la France. On y est même si précisément instruit qu'on m'a marqué jusqu'aux termes mêmes de ce que j'ai fait sentir à la cour de Versailles par rapport à ces occurrences. Comme cela ne pourra que confirmer mes doutes que je vous ai déjà indiquées par mes précédentes,294-2 qu'il faudrait absolument ou qu'il n'y eût point de secret dans le Conseil, ou qu'il y eût des trahisons, ma volonté est que vous en devez parler au sieur de Rouillé, non par manière d'acquit, mais de façon pressante et en appuyant fort qu'on prenne de meilleurs arrangements pour que le secret des affaires soit mieux gardé et ne puisse plus être trahi. Vous lui ferez sentir qu'en défaut de cela, il me serait impossible de pouvoir m'expliquer confidemment avec la France, vu que le secret m'y importait trop, et, quand même la France, comme un grand empire, ne se souciait pas fort du secret, parcequ'elle savait donner sans cela le branle à ses résolutions prises, le cas n'était pas égal à mon rapport, qui étais obligé de ménager extrêmement le secret. Vous ne manquerez pas de me rendre compte de ce que le ministre vous aura répondu à tout cela.

Federic.

Nach dem Concept.



292-3 Vergl. S. 261.

292-4 Vergl. S. 291.

292-5 Vergl. S. 281.

293-1 Vergl. S. 281.

293-2 Vergl. Nr. 6971.

293-3 Vergl. Nr. 6971.

293-4 Vergl. S. 283.

293-5 Bericht Michell's, London 22. August. Vergl. Nr. 6968.

294-1 Bericht Micheîl's, London 29. August. Vergl. Nr. 6982.

294-2 Vergl. Nr. 6843 S. 193; Nr. 6952 S. 275.