<190> ni de bien certain; mais je persiste toujours à croire qu'il n'est question que d'un simple traité d'amitié et qu'il ne s'agit d'aucun engagement qui soit dirigé contre Votre Majesté, en haine de la convention qu'Elle a faite avec l'Angleterre, ni qui soit relatif à la guerre qui est prête à s'allumer entre la France et la Grande-Bretagne. Quant à ce qui concerne ce point, le ministère de France n'a pas assez de fermeté pour prendre un parti aussi vigoureux. D'ailleurs, le rappel du chevalier de La Touche et la nomination du marquis de Valory1 sont des actes de complaisance qui s'accorderaient mal avec un pareil dessein et avec les assurances que M. Rouillé me donne journellement,2 et qui en pareil cas seraient marquées au coin de la fausseté la plus insigne, vice qui n'est pas dans le caractère de ce ministre. Je crois donc que le but que ces deux cours se proposent par une pareille alliance, au cas qu'elle prenne jamais consistance, serait de la part de la cour de Vienne d'augmenter par cette démarche la méfiance qui règne actuellement entre Votre Majesté et la France, tandis que cette dernière pourrait bien vouloir faire usage de ce moyen pour contenir Votre Majesté dans les bornes de la neutralité la plus exacte et L'empêcher par cet épouvantail de prendre avec l'Angleterre des engagements plus intimes ou encore d'exécuter ce qui a été stipulé par Sa convention de neutralité relativement à la garantie des États de la Grande-Bretagne en cas d'attaque. Je soumets ces conjectures à la pénétration de Votre Majesté et j'ajouterai seulement que l'expérience que j'ai de la pusillanimité du ministère de France, ainsi que les preuves qu'il a sur l'équilibre des pouvoirs en Allemagne et la prépondérance de la maison d'Autriche, paraissent donner l'exclusion à tous les autres soupçons qu'on pourrait former sur ce problème politique. L'union constante qui a subsisté depuis un temps très considérable entre l'Angleterre et la maison d'Autriche, et qui est fondée sur des principes sûrs et puisés dans la balance de l'Europe, ne permet également pas de croire que l'Impératrice-Reine veuille se séparer totalement de la Grande-Bretagne dans le moment présent, pour se jeter sans réserve entre les bras de la France.“

Potsdam, 13 mars 1756.

J'ai reçu votre dépêche du 1er de ce mois. Je suis très satisfait de la relation que vous m'avez faite, et j'en commence à voir un peu plus clairement sur la situation actuelle des affaires présentes de la cour où vous êtes. Je me représente, tout comme vous, les contradictions qui en doivent résulter, quand les cours de Vienne et Versailles voudront s'entendre entre elles pour agir d'un concert commun; mais il faut également considérer qu'une femme telle que Madame Pompadour est capable de tout faire, sans juger des conséquences.

Il faudra ainsi que, sans vous arrêter à ce qui raisonnablement se devait faire, vous continuiez d'avoir la plus grande attention pour pénétrer au possible les choses qui se machinent présentement entre les deux cours.

Une de vos attentions principales doit être encore de bien vous orienter si l'on apprête des arrangements pour faire assembler des armées, soit du côté de la Moselle soit du côté de Givet, afin de pouvoir m'en instruire, dès que vous en apprendrez quelque chose de sûr.

Il faut que je vous avoue que jusqu'ici mes soins employés pour apprendre avec certitude quelque chose à Vienne touchant les desseins des deux cours, n'ont pas encore tous les succès désirables; je me flatte



1 Vergl. S. 180.

2 Vergl. S. 141. 162. 179.