<237> liaisons qui subsistaient entre les deux puissances. Le lord Holdernesse m'a ajouté que Von se tromperait furieusement à Vienne, si l'on s'y imaginait d'avoir à Pétersbourg l'influence d'y pouvoir détacher cette cour-là des intérêts de l'Angleterre; qu'il était vrai que les-deux Impératrices étaient bonnes amies, mais que celle de Russie s'en tiendrait toujours préférablement à ses liaisons et à ses engagements avec l'Angleterre, et que, si le ministère autrichien cherchait à y causer quelque refroidissement, il n'y ferait que de l'eau claire, au moins par toutes les assurances que l'on avait jusques ici de la façon de penser de la cour de Pétersbourg à cet égard; qu'en un mot, on ne voulait négliger aucun moyen de fermer la porte à toutes les insinuations que les Autrichiens pourraient lâcher en Russie, pour tâcher d'y faire envisager d'un mauvais œil les liaisons que Votre Majesté avait prises avec Sa Majesté Britannique.

Le lord Holdernesse continua ensuite par me dire que le comte de Colloredo, depuis la réception du dernier courrier de sa cour, lui avait témoigné, d'un air à la vérité ironique, que l'Impératrice-Reine félicitait Sa Majesté Britannique de ses nouvelles liaisons avec Votre Majesté et qu'elle souhaitait qu'elle eût lieu d'en être satisfaite; mais, comme l'on ignorait encore à Vienne tous les détails de ces liaisons, on ne pouvait en rien dire de plus, à moins que l'Angleterre n'en donnât des explications plus claires et plus précises que celles qu'on y avait communiquées jusques ici; qu'en attendant on ne soupçonnait pas à Vienne Sa Majesté Britannique d'avoir rien contracté avec Votre Majesté qui fût préjudiciable aux intérêts de l'Impératrice-Reine, tout comme celle-ci n'en contracterait jamais avec d'autres puissances qui fussent pareillement préjudiciables à ceux de Sa Majesté Britannique. Ces propos, m'a ajouté le lord Holdernesse, n'ont pas été des plus satisfaisants pour Sa Majesté Britannique et son ministère, mais en même temps ils ne les ont pas regardés de façon à faire soupçonner le comte de Kaunitz d'être assez dépourvu de bon sens que d'engager sa cour à prendre des liaisons avec la France sur le pian qu'on l'a mandé à Votre Majesté, vu que les conséquences en seraient trop dangereuses pour la cour de Vienne, qui allumerait par là une guerre des plus sanglantes, et dont certainement elle serait la dupe en adoptant un système aussi extravagant, puisqu'il était bien aise de me dire qu'elle perdrait non seulement tous les alliés qu'elle avait tant du côté du Nord que de l'Italie, et se trouverait exposée ainsi à voir ses possessions fort en danger, bien loin d'avoir la moindre chance d'en récupérer; que l'on était fort assuré ici que l'Espagne et les princes de sa maison en Italie, aussi bien que le roi de Sardaigne, n'étaient bien avec la cour de Vienne que par le canal de l'Angleterre; qu'ainsi, si cette cour-là prenait quelques liaisons avec la France préjudiciables aux intérêts de ce pays-ci, les autres ne demanderaient alors pas mieux que d'être du parti de l'Angleterre et de tomber sur les Autrichiens en Italie, pendant qu'on leur donnerait de la tablature ailleurs, d'une façon à les faire repentir pour jamais du parti extravagant qu'ils auraient pris en se liant étroitement dans les conjonctures présentes avec la France.

C'est donc par ces motifs qu'on ne saurait encore s'imaginer ici que la cour de Vienne puisse porter à quelque chose de réel son chipotage avec la France, à moins que la tête n'ait tourné au comte de Kaunitz et qu'il ne veuille perdre sa cour pour jamais …: mais l'on soupçonne plutôt que, piqué au vif que Sa Majesté Britannique soit de nouveau en règle avec Votre Majesté, et que par là tous les vastes desseins qu'il pouvait avoir de pêcher en eau trouble, soient évanouis, cela l'a si furieusement déconcerté qu'il cherche présentement à chipoter avec la France plutôt par désespoir et par jalousie que par un dessein sincère de se lier avec elle de la façon dont on le soupçonne. Quoi qu'il en soit, comme Sa Majesté Britannique est fermement résolue de soutenir efficacement le système et les liaisons qu'elle a pris avec Votre Majesté, le lord Holdernesse m'a déclaré en outre de sa part que c'était par ce motif qu'elle commençait d'envoyer des ordres au sieur Keith pour chercher à faire expliquer clairement la cour de Vienne sur ces liaisons et le parti qu'elle voulait prendre en conséquence, et que comme Sadiie Majesté était déjà satisfaite des sentiments de la Russie à cet égard, elle se croyait très assurée de l'y maintenir. Le lord Holdernesse a fini