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Vous dites d'ailleurs que le ministère anglais est bien résolu, malgré l'évènement fâcheux avec Minorque, de ne se relâcher en rien des prétentions que l'on croit avoir contre la France.1 Sur quoi, je vous dirai que, dans ce cas-là, je suis dans une forte appréhension que la France offre la cession de Minorque et Port-Mahon à l'Espagne, pour l'attirer par ce grand appât dans ses intérêts et lui faire faire cause commune avec la France contre l'Angleterre,2 ce qui ne saurait manquer que de rendre la guerre presque générale et très onéreuse à l'Angleterre. Aussi, pour prévenir au possible un évènement si fatal, vous direz aux ministres qu'ils prennent au moins de bonnes mesures pour s'assurer bien de la cour d'Espagne, surtout dans un moment où la France y envoie l'abbé de Bernis, pour y faire sans doute des propositions bien séduisantes, afin de n'avoir pas à craindre que l'Espagne soit débauchée de l'Angleterre, ni que la guerre soit prolongée par là.

Au surplus, mes dernières nouvelles de Paris3 sont que les entrevues du comte de Starhemberg avec le ministère de France deviennent de jour en jour plus fréquentes, de sorte qu'il ne faudrait plus douter que la signature du traité entre les deux cours ne fût, sinon déjà faite, au moins extrêmement prochaine. Je vois par tout ceci avec le dernier chagrin que les esprits, tant en France qu'en Angleterre, s'éloignent de plus en plus des sentiments pacifiques et qu'il ne sera pas aussi aisé de les amener à un accommodement que je me le suis représenté au commencement.4

Il faut que je vous [dise] d'ailleurs que, quoique la cour de Londres paraisse être tout-à-fait assurée de celle de Pétersbourg, pour pouvoir y tabler sûrement, j'ai cependant eu des nouvelles très sûres qui me font douter si l'Angleterre n'y compte pas avec trop d'assurance, et vous direz à milord Holdernesse, en le priant de vouloir bien m'en garder le secret, au moins que je n'en apparaissais en rien là-dessus, que j'avais appris par un très bon canal5 que l'impératrice de Russie, son ministère et surtout le grand-chancelier Bestushew étaient plus mécontents que jamais de la conduite de l'Angleterre, que, par les inspirations de la cour de Vienne, qui qualifiait de défection du roi d'Angleterre la démarche qu'il avait faite de conclure avec moi une convention de neutralité, les susdits ministres, tout comme leur souveraine, s'expliquaient de la même manière que la cour de Vienne, bien que le Grand-Chancelier tâchât de modérer autant que possible l'humeur de l'Impératrice,6 afin, à ce qu'il s'en explique, qu'il n'en résultât pas des suites pernicieuses, dans l'espérance où il était de ramener la Grande-Bretagne dans ce qu'il appelle le bon chemin. Que le premier terme des subsides n'était pas encore accepté ni refusé, qu'on déclarait seulement qu'on s'en tiendrait au résident anglais Wolf, et que non plus les présents selon l'étiquette



1 Vergl. S. 142. 143.

2 Vergl. S. 321.

3 Bericht Knyphausen's, Paris 7. Mai. Vergl. Nr. 7501.

4 Vergl. S. 36.

5 Das Folgende nach dem Berichte Maltzahn's, d. d. Leipzig 12. Mai. Vergl. Nr. 7503.

6 Vergl. S. 262.