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Le fort Saint-Frédéric est dans le même cas; avant qu'il y eût d'Anglais à la Nouvelle-Angleterre, la France possédait le lac Champlain sur lequel est construit ce fort.

Il n'y a qu'à jeter les yeux sur la carte pour voir que le lac Champlain est au milieu des terres du Canada. Accorder aux Anglais la liberté de la navigation sur ce lac en temps de paix et détruire un fort qui le couvre en temps de guerre, c'est livrer toute la colonie.

C'est saper le traité d'Utrecht par les fondements que de disputer à la France le golfe de Saint-Laurent et une des rives du fleuve. La neutralité que propose l'Angleterre, équivaut à une cession. Le Roi doit sa protection à tous les Français établis dans différentes parties du terrain qu'on veut faire abandonner comme neutres.

L'Angleterre n'a prétendu nul droit dans la baie française hors de la presqu'île jusqu'à la paix d'Aix-la-Chapelle, qui ne lui en a point donné de nouveaux, et on a prouvé qu'une grande partie de la presqu'île appartient à la France.

Mettant à part le droit de propriété, la France ne peut se passer de la communication libre à la rivière Saint-Jean, tant par mer que par terre, ni par conséquent céder la côte depuis cette rivière jusqu'à Beaubassin, et encore moins une lisière de 20 lieues qui, contre le texte formel du traité d'Utrecht, donnerait cette étendue aux Anglais sur le golfe Saint-Laurent, à commencer au cap Tourmentin, et leur donnerait aussi le droit d'y faire des établissements sur les débris des nôtres.

L'adoucissement que l'extrait de la lettre1 semble donner à cet article, n'est pas suffissant et n'est pas exprimé clairement.

1° La rive méridionale du fleuve n'est point en Acadie.

2° La communication par mer à la rivière de Saint-Jean serait rendue inutile, si les Anglais étaient propriétaires de son embouchure ou seulement des terres voisines.

3° La communication de Québec à l'île Saint-Jean par la rivière de ce nom serait pareillement inutile, si les Anglais pouvaient pousser leurs établissements jusques sur les bords de cette rivière, surtout pendant que, sous prétexte de la neutralité de l'intérieur du pays, ils empêcheraient les Français d'en faire.

4° Cette prétendue neutralité de l'intérieur des terres situées entre le fleuve Saint-Laurent et la baie française n'est d'aucune utilité aux Anglais.

On observe en général que tout ce que les Anglais se proposent d'acquérir, de détruire ou de rendre neutre, est rempli d'habitants français, dont la ruine est infaillible et sans retour, si le contre-projet avait lieu. Au contraire, en suivant le projet de la France, aucun




1 Auszug aus dem Berichte Michell's vom 12. Februar. Vergl. S. 142. 146.