7318. AU CONSEILLER PRIVÉ DE GUERRE DE KLINGGRÆFFEN A VIENNE.

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Klinggräffen berichtet, Wien 21. Februar: „Le comte d'Aubeterre est toujours bien avec le comte Kaunitz. Il est si prévenu que je crois qu'une explication entre nous ne ferait que gâter les choses.165-2 Il faudrait que sa cour lui donnât des ordres sur la conduite qu'il doit tenir à mon égard. J'ai voulu faire une tentative pour le rectifier en ami, mais il ne m'a point donné d'autre réponse que de dire que la France n'avait rien à se reprocher, et il a fini là et s'est retiré … D'ailleurs, il ne m'évite ni plus ni moins qu'il ne le fait à l'égard du sieur Keith … Toutes mes précédentes dépêches auront informé Votre Majesté avec combien de plausibilité je soupçonne et j'ai fait soupçonner au sieur Keith qu'il doit y avoir une négociation entre cette cour-ci et la France.165-3 Mais, jusqu'à présent, on n'en devine pas encore le véritable but. Les apparences paraissent guerrières et même contre Votre Majesté. Les préparatifs ici se continuent,165-4 quoique tout se fasse avec le plus grand secret possible … Le dernier rapport qui m'est venu hier du commissariat général, porte qu'on commencerait bientôt à faire remplir les magasins dont j'ai fait marquer les endroits,

Potsdam, 2 mars 1756.

J'ai reçu l'ordinaire dernier le rapport que vous m'avez fait du 21 de février. Je vous sais gré des particularités bien intéressantes et instructives que vous avez bien voulu m'y marquer,165-5 mais suis bien aise de vous faire observer que, par plusieurs indices, il me parait qu'il ne soit pas encore bien proche que les cours de Versailles et de Vienne se rapprocheront ensemble; j'ai, d'ailleurs, de la peine à m'imaginer que les Autrichiens voulussent d'abord former ces camps considérables dont vous m'avertissez, puisque cela serait fort déplacé encore et que je ne saurais pas tout-à-fait comprendre le but où ils en viseraient dans le moment présent. J'observe, de plus, que de pareils campements, avec les gros magasins que vous dites qu'ils formeront en Moravie, demandent des sommes

et que l'intention serait de les pousser pour une année très considérable. Le rapport du conseil de guerre dit qu'on assemblerait un campement de troupes considérable en Moravie, et l'on nommera dans peu les régiments, … et qu'il est certain … que tout ce qu'il faut à une armée qui marche en campagne, y doit être.“

très considérables, et qu'il faudrait de deux choses l'une, ou que la Reine-Impératrice tire de fortes sommes de quelque puissance étrangère, ce qui n'est pas bien compréhensible, ou qu'elle en ait amassées de longue main pour en pouvoir subvenir; vous m'avez cependant tant de fois assuré qu'elle n'avait pas encore amassé des fonds en trésor. Je serais donc bien aise que vous m'éclairassiez cette contradiction apparente.

Pour moi, je présume que la France ne voudra pas se trop presser pour se rapprocher avec la cour de Vienne et prendre des liaisons avec elle, qui ne sont pas trop bien naturelles et qui gêneraient extrêmement la France, hormis dans le cas que la guerre par mer contre l'Angleterre n'aurait point de succès et fût désavantageuse pour la France et qu'elle voudrait prendre alors sa revanche sur les États d'Hanovre et que cela mènerait la France à se lier avec la cour de Vienne, pour que celle-ci laissât agir librement l'autre contre l'Hanovre et me tiendrait en même temps en échec par quelque corps considérable qu'elle assemblerait aux confins, afin de m'empêcher par là que je ne saurais m'acquitter de mes engagements pris avec le roi d'Angleterre par notre convention de neutralité. Cependant, comme tout ceci ne sont que de simples conjectures, elles ne doivent vous point empêcher à poursuivre vos perquisitions et à veiller de votre mieux sur tous les arrangements que la cour où vous êtes fait, afin de m'instruire avec toute l'exactitude imaginable sur tout ce que vous en apprendrez.

Comme vous me marquez que cette cour a dépêché un courrier en Angleterre, apparemment pour expliquer ses sentiments sur la convention de neutralité, je crois qu'au moins aidé par le sieur Keith, vous serez présentement à même de pouvoir me marquer quelque chose de la véritable façon [de penser] de la cour susdite sur ma convention contractée avec l'Angleterre.

Pour ce qui regarde le comte d'Aubeterre, ma volonté est que vous devez employer tous vos soins pour le raccrocher, et que vous ne devez point l'éviter, mais continuer à vivre plutôt avec lui sur le même pied que ci-devant, à moins qu'il ne vous le refuse absolument, ce que je ne saurais croire.

Parceque j'ai trouvé les raisons que vous alléguez, valables pour avoir toujours prêts chez vous les mille écus destinés à certain usage, pour pouvoir vous en servir au juste temps,166-1 j'ai fait ordonner au banquier Splitgerber afin qu'il vous envoie par cet ordinaire une lettre de change ou bonne assignation pour mille écus que vous saurez d'abord

 

tirer à Vienne et n'avoir plus besoin d'en écrire à Neisse. Ce dont j'ai bien voulu vous avertir, en accusant, au surplus, l'exprès que je vous ai dépêché d'ici samedi dernier,167-1 et dont j'espère qu'il vous sera bien parvenu.

Federic.

Nach dem Concept.



165-2 Vergl. S. 159.

165-3 Vergl. S. 127. 139. 149.

165-4 Vergl. S. 122.

165-5 Ueber den Inhalt des Berichtes Klinggräffen's vergl. auch Nr. 7319. 7328. 7329.

166-1 Vergl. S. 122.

167-1 28. Februar. Vergl. Nr. 7306.