7390. A LA REINE DE SUÈDE A STOCKHOLM.

[Potsdam, 31 mars 1756.]

Vous voyez, ma chère Sœur, que sans voir les choses de près, je ne me suis pas trompé dans le pronostic que je vous ai fait. Vous vous êtes laissé entraîner par des gens qui, s'ils avaient réussi, n'auraient pensé qu'à eux, et les idées que vous aviez d'étendre votre domination, se seraient vu déçues. Mais comme les choses en sont venues à cet éclat, il n'est plus temps de récapituler le passé, pensons à l'avenir. Je vous dois mes conseils; tout ce que je peux faire pour vous, c'est de vous les donner : vous restez la maîtresse de les suivre ou non. Je crois qu'il faut absolument que vous changiez à présent votre plan de conduite, que dans les commencements vous caressiez le Sénat et que vous ne paraissiez vous conduire que par ses conseils, pour calmer des esprits irrités et des [cœurs] ulcérés de vos entreprises. Ensuite, il vous faudrait travailler petit à petit à ramener à vous les esprits les plus modérés d'entre les sénateurs, pour vous en faire un parti avec le temps. Par une conduite adroite et soutenue, vous parviendrez à diviser par là le Sénat même, et quand vous l'aurez affaibli, vous pourrez travailler petit à petit à l'extension de votre pouvoir; mais si vous voulez vous roidir à présent et mettre de la fermeté où il ne faut que de la douceur, de la force où il ne faut que de la ruse, vous gâterez tout. Voilà tout ce qu'en ami je peux vous dire, en souhaitant de tout mon cœur que vous suiviez mes avis.

Federic.

Nach dem eigenhändigen Concept mit der Weisung, „zu Chiffriren an meine Schwester von Schweden.“

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