7397. AU SECRÉTAIRE MICHELL A LONDRES.

Michell berichtet, London 23. März, auf den Erlass vom 11. März:236-3„J'ai exécuté fort exactement le contenu auprès du ministère de cette cour et en particulier envers le lord Holdernesse, qui, par ordre du Roi, m'a assuré que l'on était fort éloigné ici de ne pas faire attention au chipotage qui paraissait se manifester tous les jours plus entre les cours de Vienne et de Versailles, mais qu'en même temps on ne pouvait pas se figurer encore qu'il pût être porté au point où Votre Majesté le soupçonnait, et que l'on présumait que les avis qu'Elle avait reçus à cet égard, partaient de gens qui, sans examiner avec toute l'attention requise la position des choses, laissaient courir leur imagination un peu trop loin; que cependant, comme la prudence exigeait que l'on fût sur ses gardes et qu'on ne s'endormît pas sur les menées qu'il paraissait y avoir actuellement entre les cours de Vienne et de Versailles, on expédierait aujourd'hui un courrier au sieur Keith, avec des instructions par lesquelles il lui serait enjoint de chercher à faire expliquer nettement le ministère autrichien làdessus … Si, en suite de ceci, la cour de Vienne ne s'explique pas d'une façon à ôter tous les soupçons que l'on a actuellement sur sa conduite présente, l'on est bien résolu ici de prendre tous les arrangements qu'il conviendra pour soutenir efficacement les engagements pris avec Votre Majesté, et, pour cet effet, on s'est déjà proposé d'envoyer vendredi prochain un autre courrier à Pétersbourg, avec des ordres au chevalier Williams de continuer à s'attacher de plus en plus la Russie, sans la participation de la cour de Vienne, dont on ne craint pas avec cela l'influence dans ce pays-là,236-4 puisque l'on est satisfait ici, ainsi que je l'ai mandé, de la façon dont le ministère russien s'était déjà expliqué sur le traité que l'Angleterre a conclu avec Votre Majesté, le chevalier Williams mandant très positivement par le courrier qui a apporté les ratifications du traité de subsides,236-5 que le comte de Bestushew lui avait dit qu'en suite d'une conversation qu'il avait eue avec l'Impératrice au sujet du traité conclu avec la Prusse, Sa Majesté Britannique pouvait être très tranquille touchant la façon de penser de sa souveraine à cet égard, qui ne causerait aucun changement dans les<237> liaisons qui subsistaient entre les deux puissances. Le lord Holdernesse m'a ajouté que Von se tromperait furieusement à Vienne, si l'on s'y imaginait d'avoir à Pétersbourg l'influence d'y pouvoir détacher cette cour-là des intérêts de l'Angleterre; qu'il était vrai que les-deux Impératrices étaient bonnes amies, mais que celle de Russie s'en tiendrait toujours préférablement à ses liaisons et à ses engagements avec l'Angleterre, et que, si le ministère autrichien cherchait à y causer quelque refroidissement, il n'y ferait que de l'eau claire, au moins par toutes les assurances que l'on avait jusques ici de la façon de penser de la cour de Pétersbourg à cet égard; qu'en un mot, on ne voulait négliger aucun moyen de fermer la porte à toutes les insinuations que les Autrichiens pourraient lâcher en Russie, pour tâcher d'y faire envisager d'un mauvais œil les liaisons que Votre Majesté avait prises avec Sa Majesté Britannique.

Le lord Holdernesse continua ensuite par me dire que le comte de Colloredo, depuis la réception du dernier courrier de sa cour, lui avait témoigné, d'un air à la vérité ironique, que l'Impératrice-Reine félicitait Sa Majesté Britannique de ses nouvelles liaisons avec Votre Majesté et qu'elle souhaitait qu'elle eût lieu d'en être satisfaite; mais, comme l'on ignorait encore à Vienne tous les détails de ces liaisons, on ne pouvait en rien dire de plus, à moins que l'Angleterre n'en donnât des explications plus claires et plus précises que celles qu'on y avait communiquées jusques ici; qu'en attendant on ne soupçonnait pas à Vienne Sa Majesté Britannique d'avoir rien contracté avec Votre Majesté qui fût préjudiciable aux intérêts de l'Impératrice-Reine, tout comme celle-ci n'en contracterait jamais avec d'autres puissances qui fussent pareillement préjudiciables à ceux de Sa Majesté Britannique. Ces propos, m'a ajouté le lord Holdernesse, n'ont pas été des plus satisfaisants pour Sa Majesté Britannique et son ministère, mais en même temps ils ne les ont pas regardés de façon à faire soupçonner le comte de Kaunitz d'être assez dépourvu de bon sens que d'engager sa cour à prendre des liaisons avec la France sur le pian qu'on l'a mandé à Votre Majesté, vu que les conséquences en seraient trop dangereuses pour la cour de Vienne, qui allumerait par là une guerre des plus sanglantes, et dont certainement elle serait la dupe en adoptant un système aussi extravagant, puisqu'il était bien aise de me dire qu'elle perdrait non seulement tous les alliés qu'elle avait tant du côté du Nord que de l'Italie, et se trouverait exposée ainsi à voir ses possessions fort en danger, bien loin d'avoir la moindre chance d'en récupérer; que l'on était fort assuré ici que l'Espagne et les princes de sa maison en Italie, aussi bien que le roi de Sardaigne, n'étaient bien avec la cour de Vienne que par le canal de l'Angleterre; qu'ainsi, si cette cour-là prenait quelques liaisons avec la France préjudiciables aux intérêts de ce pays-ci, les autres ne demanderaient alors pas mieux que d'être du parti de l'Angleterre et de tomber sur les Autrichiens en Italie, pendant qu'on leur donnerait de la tablature ailleurs, d'une façon à les faire repentir pour jamais du parti extravagant qu'ils auraient pris en se liant étroitement dans les conjonctures présentes avec la France.

C'est donc par ces motifs qu'on ne saurait encore s'imaginer ici que la cour de Vienne puisse porter à quelque chose de réel son chipotage avec la France, à moins que la tête n'ait tourné au comte de Kaunitz et qu'il ne veuille perdre sa cour pour jamais …: mais l'on soupçonne plutôt que, piqué au vif que Sa Majesté Britannique soit de nouveau en règle avec Votre Majesté, et que par là tous les vastes desseins qu'il pouvait avoir de pêcher en eau trouble, soient évanouis, cela l'a si furieusement déconcerté qu'il cherche présentement à chipoter avec la France plutôt par désespoir et par jalousie que par un dessein sincère de se lier avec elle de la façon dont on le soupçonne. Quoi qu'il en soit, comme Sa Majesté Britannique est fermement résolue de soutenir efficacement le système et les liaisons qu'elle a pris avec Votre Majesté, le lord Holdernesse m'a déclaré en outre de sa part que c'était par ce motif qu'elle commençait d'envoyer des ordres au sieur Keith pour chercher à faire expliquer clairement la cour de Vienne sur ces liaisons et le parti qu'elle voulait prendre en conséquence, et que comme Sadiie Majesté était déjà satisfaite des sentiments de la Russie à cet égard, elle se croyait très assurée de l'y maintenir. Le lord Holdernesse a fini<238> par me dire que le Roi avait été sensible et remerciait Votre Majesté de tont ce qne j'avais eu ordre de lui dire de Sa part, tant par rapport aux précautions à prendre dans les conjonctures présentes, qu'aux conseils de Votre Majesté à cet égard; qu'on ne les perdrait certainement pas de vue en cas de besoin, mais que dans le moment présent on ne croyait pas qu'il fût nécessaire d'aller plus loin de ce qu'il venait de me détailler. Il m'a ajonté enfin que le sieur Mitchell partirait dans une quinzaine de jours au plus tard pour Berlin.“238-1

Potsdam, 3 avril 1756.

La dépêche que vous m'avez faite du 23 du mois passé de mars, m'a été fidèlement rendue, dont j'ai été extrêmement satisfait par toutes les choses très intéressantes que vous y avez comprises.238-2 Vous ne manquerez pas de remercier bien poliment milord Holdernesse de toutes les confidences qu'il a bien voulu me faire sur la situation présente des affaires publiques, et lui direz de ma part que, bien que raisonnablement on ne saurait pas se figurer que la cour de Vienne saurait aller au point qu'on l'a soupçonnée, dans ses chipotages entamés avec la France, rien n'était cependant plus vrai que dans son premier emportement, causé par le dépit qu'elle a eu de notre convention de neutralité de l'Allemagne, elle ait [fait] proposition sur proposition à la France pour se lier avec elle et se venger du prétendu affront qu'elle croyait avoir reçu par cette convention.238-3 Aussi ce que l'on a présumé au commencement de ce chipotage, a été effectivement cela ce que je vous en avais marqué par mes dépêches antérieures,238-4 mais qu'à présent et par les soins que je m'étais donnés pour bien approfondir ce qui fit le vrai objet de cette négociation, je venais d'apprendre de lieu sûr238-5 qu'il s'y agissait d'un simple traité d'amitié entre les deux cours et qu'il ne s'agissait d'aucun engagement qui concernât directement ni mes possessions ni celles du roi de la Grande-Bretagne en Allemagne; que le reste était relatif à la neutralité des Pays-Bas et de l'Italie et à un projet en conséquence duquel la Reine-Impératrice troquerait à la France une partie du comté de Flandre dont elle était en possession, avec le Luxembourg, contre un équivalent que la France lui procurerait en Italie des possessions que la maison de Bourbon y a jusques ici. Après que vous aurez dit tout ceci au lord Holdernesse, quoique toujours de la manière que je vous ai déjà présentée par mes lettres antérieures, savoir pour qu'il ne paraisse pas comme si je voulais donner de fausses alarmes à l'Angleterre, vous ajouterez uniquement, comme de vous même et sans m'y mêler aucunement, que, selon vous, il n'était point à douter que la Hollande n'eût fourni le secours qu'elle devait à l'Angleterre,238-6 si, instruite apparemment du chipotage entre les cours susdites, on ne lui avait fait appréhender que, quand cette négociation saurait prendre<239> forme, alors la reine de Hongrie pourrait bien accorder aux Français le passage par le Brabant, pour inquiéter la République.

Federic.

P. S.

La cour de Suède m'a fait connaître par son ministre239-1 qu'elle venait d'arrêter avec celle de Danemark un traité d'union maritime moyennant lequel les deux parties contractantes s'étaient engagées de faire sortir, chacune d'elles, de leurs ports une escadre pour protéger par là le commerce de leurs sujets et pour faire respecter leur pavillon contre les insultes de la part des vaisseaux de quelque puissance étrangère; qu'en vertu de cet engagement les vaisseaux de guerre, les frégates, les armateurs auraient à la vérité la liberté d'entrer dans les ports de Suède situés sur l'Océan, pour s'y ravitailler et faire radouber, même pour y amener des prises,239-2 mais qu'il ne leur avait pas été accordé la même permission quant aux ports situés sur la mer Baltique, et qu'au surplus, la cour de Stockholm ne manquerait pas de me communiquer le susdit traité en son temps et de concert avec le Danemark.

J'ai trouvé bon de vous communiquer incessamment tout ceci, afin que vous en fassiez d'abord ouverture confidente aux ministres anglais, en leur faisant valoir la bonne intention que j'avais de les en mettre au fait, pour qu'ils n'en prissent point ombrage, si la chose leur était peut-être annoncée sous de fausses couleurs.239-3 Vous ajouterez que, dès que le traité me serait communiqué, je ne laisserais pas de leur en envoyer copie.

Federic.

Nach dem Concept.



236-3 Vergl. Nr. 7342 S. 183.

236-4 Vergl. S. 224.

236-5 Vergl. S. 262.

238-1 Vergl. S. 182.

238-2 Vergl. über den Inhalt des Michell'schen Berichtes auch Nr. 7393.

238-3 Vergl. S. 215.

238-4 Vergl. Nr. 7342 S. 183; Nr. 7364 S. 204; Nr. 7381 S. 224.

238-5 Bericht Knyphausen's, Paris 22. März. Vergl. Nr. 7400.

238-6 Vergl. S. 180.

239-1 Vergl. Nr. 7396.

239-2 Vergl. Bd. IX, 369. 370.

239-3 Vergl. S. 143. 144.