7574. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE FINCKENSTEIN A BERLIN.

Finckenstein berichtet, Berlin 15. Juni: „En conséquence des ordres de Votre Majesté du 13 de ce mois,417-3 j'ai parlé hier au sieur Mitchell et lui ai fait part de l'avis secret qui a été donné à Votre Majesté, et dont Elle croyait que le ministère anglais pourrait tirer parti pour détacher la Russie des Autrichiens … Le sieur Mitchell, après avoir pensé un moment, me dit qu'il croyait effectivement que cette insinuation pourrait porter coup, dans le cas où l'Angleterre serait bien sûre de la Russie; mais qu'il lui paraissait dangereux d'en faire usage, avant que d'avoir une certitude entière et parfaite à cet égard; que, selon lui, c'était une épée qui tranchait de deux côtés, et dont le bon ou le mauvais effet dépendrait des dispositions où la Russie se trouvait actuellement. Que, si elle pensait bien, cela ne pourrait que la fortifier dans son attachement pour l'Angleterre, en l'indisposant encore davantage contre les nouvelles liaisons de la cour de Vienne; mais qu'en la supposant indécise sur le parti qu'elle doit prendre, cela pourrait faire un effet contraire, et que les partisans de la France se serviraient peut-être de ce même argument pour l'entraîner et l'obliger à accéder au nouveau traité, puisqu'au moyen de cette accession elle aurait la même sûreté vis-à-vis des Turcs que la cour de Vienne a présentement. Il conclut par me dire qu'il croyait, avant que d'en rien marquer à sa cour, devoir faire parvenir cette idée à Votre Majesté, pour savoir si Elle l'approuvait, et qu'en conséquence il en écrirait, ou conditionneîlement et avec les précautions qu'il venait de m'indiquer, ou sans aucune restriction, au cas qu'Elle le jugeât convenable.“

Campement de Magdebourg, 17 juin 1756.

J'ai reçu la lettre que vous m'avez faite du 15 de ce mois, par laquelle j'ai vu avec satisfaction l'exactitude avec laquelle vous vous<418> êtes acquitté des ordres que je vous avais fait parvenir au sujet du sieur Mitchell. La réflexion qu'il a faite par rapport à certaine insinuation à faire à la cour de Russie,418-1 m'a paru assez juste, de sorte que je lui abandonne simplement d'agir là-dessus à son gré et de faire usage ou non de l'avis en question, tout comme il le trouvera à propos, n'étant pas moi à même de juger aussi bien que lui de l'impression qu'une pareille insinuation saurait faire.

Comme, d'ailleurs, il m'est revenu, depuis mon départ de Potsdam, des avis très importants par de bonnes lettres de France et de Russie, je vous en fais communiquer à la suite de celle-ci un précis fidèle, que vous ne laisserez pas de communiquer au plus tôt confidemment au susdit ministre, en lui permettant de le lire et d'en tirer des extraits pour son usage. Vous lui ferez lire de la même manière ce que le ministre de Klinggræffen nous a marqué par sa dernière dépêche du 9 de ce mois,418-2 au sujet des doutes qu'il a conçus sur la sincérité des intentions de la cour de Pétersbourg vis-à-vis de celle de Londres et les mauvaises intentions des Autrichiens pour exciter une guerre de religion en Allemagne et pour en mêler la France, afin d'exécuter, sous ce prétexte, ses autres desseins. Vous ajouterez de ma part combien la cour de Londres et son ministre à Pétersbourg devaient être en garde, pour ne pas être abusés par les ministres de Russie à l'instigation de la cour de Vienne, et de faire tous les efforts possibles, afin d'avoir encore, s'il se peut, la cour de Russie sincèrement dans ses intérêts, ou, dans le cas qu'il n'y eût plus moyen d'y réussir, de prendre incessamment et de bonne heure ses mesures et ses précautions, pour résister à un parti si fort et supérieur à nos forces présentes; en défaut de quoi nos affaires iraient certainement bien mal au printemps de l'année qui vient. Enfin, ce que je vous recommande au mieux, c'est d'appuyer extrêmement envers ce ministre sur la nécessité indispensable qu'il y avait de songer, au plus tôt le mieux, sur le parti à prendre, au cas que la Russie tournât vis-à-vis de l'Angleterre, et sur les mesures les plus efficaces à obvier à tous les maux qui en doivent nécessairement résulter, afin de n'être pas pris au dépourvu par nos ennemis. J'attendrai avec empressement le rapport détaillé que vous m'en ferez. Et, sur ce, je prie Dieu etc.

Federic.

Extrait d'une lettre de Paris, du 7 juin.418-3

Vous pouvez être persuadé qu'on n'a pris ici aucune résolution définitive relativement aux entreprises qu'on pourrait former contre les îles britanniques, et que, malgré le mouvement que le maréchal de Belle-Isle continue à se donner, la plupart des membres du Conseil persévèrent à regarder cette opération comme extrêmement difficile et périlleuse. Cependant, il n'est nullement à douter que ce maréchal, qui a spécifié tous les détails de cette entreprise, ne parvienne enfin à déterminer le Conseil<419> à y donner son approbation, et principalement dans le cas que les Anglais se rendraient de nouveau maîtres de la Méditerranée. En attendant, l'on est fermement résolu ici à continuer, pendant le courant de l'été, de faire le long de la Manche toutes les démonstrations d'une prochaine invasion dans les îles britanniques, non seulement pour achever tous les préparatifs de cette entreprise, mais aussi pour forcer l'Angleterre, par l'incertitude dans laquelle la jettent ces dispositions, de garder la principale partie de ses forces maritimes dans l'Océan, afin que l'on puisse agir plus librement d'ici dans la Méditerranée, ainsi que dans les mers de l'Amérique. C'est dans cette vue que le maréchal de Belle-Isle fera incessamment le tour des côtes de l'Océan, et qu'on assemblera à la fin de juillet les onze camps dont le nombre des bataillons n'est pas encore tout-à-fait réglé.

De Pétersbourg, le 3 de mai.419-1

Que, le Grand-Chancelier ayant été questionné de quelqu'un de sa connaissance et confiance,419-2 à l'occasion de l'arrivée prochaine du chevalier Douglas,419-3 s'il serait plutôt permis que ci-devant audit chevalier de venir à Pétersbourg, le Chancelier avait répondu que les circonstances avaient présente mentchangé, la cour de Londres n'ayant point eu de ménagement pour la Russie, ce qui dispensait celle-ci d'avoir des ménagements pour la première; qu'ainsi on recevrait Douglas, ne fût-ce même que pour mortifier Williams. Que, celui-ci ayant été le 8 d'avril à une conférence des deux chanceliers, on lui avait lu un papier dont le contenu avait été que l'Impératrice avait grande raison d'être mécontente de la cour de Londres, à cause de ses engagements particuliers et malintentionnés avec la Prusse, et qu'on ne saurait non plus être content de ce qu'on se servait de la médiation de la Prusse, pour aplanir les brouilleries entre l'Angleterre et la France; que le sieur Williams était donc requis de faire là-dessus les représentations les plus fortes à sa cour, ainsi que le ministre Golyzin s'expliquerait envers le ministère anglais. Qu'on419-4 soupçonnait que le Grand-Chancelier était d'accord, pour ce qui regarde le chevalier Douglas, avec son frère, tout comme avec le Vice-Chancelier et le comte Schuwalow, qui s'étaient déclarés protecteurs de Douglas, ou que sa résolution était de laisser faire ceux-ci; qu'il ne fallait pas douter que ce chevalier n'eût des propositions à faire de la part de la France, et qu'il n'eût son créditif en poche; que c'était d'ailleurs un homme très propre à plaire en Russie; qu'en attendant le crédit du chevalier Williams baissait de jour en jour et que l'éloignement pour l'Angleterre augmentait pareillement. Que, cependant, les conseils modérés du Grand-Chancelier avaient prévalu en cela que cet éloignement ne nuirait pas aux autres alliés et au système, la Russie ne s'occupant que de se mettre en bonne posture par terre et par mer, pour se rendre redoutable à tout le monde et pour pouvoir secourir ses alliés et particulièrement la cour de Vienne; la Czarine ayant dit elle-même depuis peu au comte Esterhazy qu'en cas que sa cour serait attaquée par la Prusse ou par la France, elle l'assisterait de toutes ses forces, ayant placé pour le service de la cour de Vienne son armée en Courlande, en Livonie et sur les frontières de la Pologne; qu'elle l'emploierait avec plaisir pour secourir l'Impérairice-Reine ou ses autres alliés. Que l'armement des escadres danoises et suédoises419-5 suscitait toutes sortes de réflexions à Pétersbourg; que, quoique le ministre de Danemark419-6 eût déclaré au ministère russien que cet armement n'avait, de la part du Danemark, d'autre objet que la protection de son commerce, on croyait cependant que cette démarche se faisait en faveur de la France ou dans l'intention de disputer aux Russes le transport en Allemagne par mer; ou qu'enfin le dessein en pouvait être de transporter dans la Poméranie suédoise un corps de troupes suédoises, qui s'opposerait à la marche des troupes russiennes, en cas qu'elles la fissent par terre.

<420>

Il y a une bonne lettre de Vienne420-1 qui marque que la nouvelle d'un traité fait et signé entre l'Impératrice-Reine et la France, parvenue inopinément en Russie, y aura effectué la même surprise quenelle de la convention de neutralité entre l'Angleterre et la Prusse y avait causée, et que les bonnes dispositions qu'on y avait montrées pour la cour de Vienne, y seraient d'abord considérablement changées, à moins qu'on ne veuille supposer qu'il y ait aussi déjà un chipotage secret entre la France et la Russie.

Nach der Ausfertigung.



417-3 Vergl. S. 406.

418-1 Vergl. S. 408.

418-2 Vergl. Nr. 7579.

418-3 Nach dem Berichte Knyphausen's, Paris 7. Juni. Vergl. Nr. 7580.

419-1 Nach dem Berichte Maltzahn's, Dresden 11. Juni, auf Grund von Berichten Prasse's an Brühl, Petersburg 12. April und 3. Mai.

419-2 Prasse.

419-3 Vergl. S. 356.

419-4 Das Folgende aus dem Berichte Prasse's an Brühl vom 3. Mai.

419-5 Vergl. S. 395. 409.

419-6 Johann Lothar von Maltzahn.

420-1 Nach dem Berichte Maltzahn's, Dresden 11. Juni, auf Grund eines Berichtes Flemming's an Brühl, Wien 29. Mai.