7626. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A PARIS.

Knyphausen berichtet in einem P. S., Paris 18. Juni, anknüpfend an seinen Bericht vom 7. Juni,480-1 über die Wirkungen, welche der versailler Vertrag nach Ansicht der französischen Politiker und Staatsmänner auf die Haltung des Königs von Preussen geübt haben müsse und weiter üben werde: „L'on croit généralement ici que deux objets doivent principalement fixer l'attention de Votre Majesté dans la crise présente, dont le premier serait le rétablissement de l'équilibre de l'Europe, qui paraît être entièrement détruit par la réunion des maisons de Bourbon et d'Autriche, et dont la conservation doit être précieuse à tous ceux qui font partie de l'Empire. Le second objet dont on suppose que Votre Majesté doit S'occuper avec le même soin, serait celui de Se garantir personnellement et abstration faite de Sa qualité d'État de l'Empire, de faire réflexion sur la prépondérance considérable qu'a actuellement la maison d'Autriche sur Votre Majesté, et dont Elle doit d'autant plus appréhender les effets que cet événement servira vraisemblablement à rallumer toute l'animosité que la conquête de la Silésie a inspirée à l'Impératrice-Reine. Quant à ce qui concerne le premier point, on prévoit ici qu'il n'y a que l'Angleterre qui puisse maintenant servir de barrière à la conservation de la liberté du Corps Germanique contre les usurpations de la cour de Vienne et contre-balancer les efforts qu'elle fera pour subjuguer ce dernier. En conséquence de cette même supposition, l'on est persuadé ici que Votre Majesté, qui est le plus puissant parmi les princes de l'Empire, ne négligera rien pour établir ce nouveau contre-poids et pour exciter l'Angleterre à fortifier son parti en Allemagne et à y acquérir de nouveaux alliés par les subsides qu'elle y répandra, afin de former un corps d'alliance qui puisse contenir la cour de Vienne et mettre un frein à son ambition, tant à la Diète de l'Empire que contre les entreprises qu'elle pourrait tenter dans les Cercles. On ne doute pas même que la Grande-Bretagne, dans les traités qu'elle va faire pour cet effet, ne se serve de la même précaution que la France a employée avec succès dans les temps passés, c'est-à-dire, qu'elle ne stipule que les cours avec lesquelles elle fera de pareils traités, seront obligées de se concerter avec elle pour tout ce qui pourra avoir rapport à la Diète et aux affaires de l'Empire. Comme plusieurs d'entre les membres du Conseil prévoient que la cour de Vienne pourrait bien abuser de la connivence à laquelle elle doit maintenant s'attendre de la part de la France, pour empiéter sur le Corps Germanique, et qu'on est fort éloigné ici, au moins jusqu'à présent, de vouloir la favoriser dans l'exécution d'un pareil projet, je crois que le ministère de France ne se remuera que faiblement pour s'opposer à l'établissement du système dont je viens de tracer le plan, et que la Grande-Bretagne n'aura nulle peine de réussir à cet égard, pourvu qu'elle profite promptement de l'irrésolution dans laquelle on se trouve ici relativement aux affaires de l'Allemagne. Il me revient depuis quelques jours que la cour de Vienne qui se doute vraisemblablement des mesures que le parti opposé pourrait prendre pour établir la digue dont je viens de faire mention, ne néglige rien pour exciter le ministère de France à conserver le parti qu'il a en Allemagne, et principalement pour le déterminer à donner des subsides à la Bavière. Les mouvements que le comte Starhemberg se donne avec le ministre de Bavière, ainsi que le sieur de Folard, pour cet effet, deviennent même si vifs que je ne doute nullement que ce traité n'ait effectivement lieu, pour peu que la cour de Londres continue à rester dans l'inaction dans laquelle elle paraît se trouver à cet égard.

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Je passe maintenant au second objet qu'on suppose devoir attirer l'attention de Votre Majesté, lequel est de Se mettre par quelque nouvelle alliance à l'abri des risques et inconvénients qui pourraient résulter personnellement pour Elle du traité qui vient d'être conclu entre les cours de Vienne et de Versailles, et de Se garantir de la facilité qu'il donne à la première de pouvoir tourner tous ses efforts contre la Silésie et autres États de Votre Majesté. Tous ceux qui connaissent le tableau de l'Europe et qui sont un peu au fait des affaires, prévoient, sans se permettre aucun doute, que Votre Majesté ne saurait rester isolée et sans alliés dans la position critique où Elle Se trouve, et que l'évènement qui vient d'arriver, doit nécessairement La rapprocher des cours qui ont le même intérêt qu'Elle peut avoir à contre-balancer la prépondérance si considérable que le traité de Versailles paraît assurer à la cour de Vienne et à celle de France dans la balance générale de l'Europe. Parmi les puissances dont on suppose que Votre Majesté doit être jalouse de rechercher l'amitié, il y en a principalement deux qui paraissent devoir fixer toute Son attention, attendu que leurs intérêts sont entièrement conformes aux siens relativement à la révolution qui vient d'arriver. Ces deux puissances sont la Porte et l'Angleterre, et l'on n'ignore point que la première est tout aussi intéressée que peut l'être Votre Majesté, à contrebalancer dans la conjoncture présente le poids considérable que le traité de Versailles donne à la cour de Vienne. On n'a rien négligé ici pour prévenir les suites de l'ombrage que ce nouveau système pourrait causer au ministère ottoman, et je sais que M. Rouillé a répondu à quelqu'un qui s'en est entretenu avec lui, qu'on avait pris toutes les précautions possibles pour tranquilliser la Porte et lui donner toutes les sûretés et assurances qu'elle pourrait exiger. Différentes personnes infèrent de là qu'on a peut-être offert à la Porte d'accéder à ce traité, ou bien on lui a proposé que la France se rendrait garante par un article séparé et secret de tous les traités conclus entre la maison d'Autriche et l'Empire ottoman. J'ignore jusqu'à quel point cette conjecture peut être fondée; mais il est certain que M. Rouillé a assuré au baron de Bunge qui est chargé ici des affaires de la cour de Suède,481-1 qu'on avait employé tous les moyens qu'on avait cru propres à tranquilliser la Porte et à lui ôter tout sujet de méfiance et d'inquiétude. Quoi qu'il en soit, l'attention du ministère de France ne s'est pas bornée à cet objet, et celui de Vienne a eu soin de la diriger pareillement sur la cour de Russie. L'influence que l'Angleterre paraît avoir depuis longtemps à cette derniere, lui a fait prévoir qu'elle ne négligerait rien pour faire entrer la Russie dans la ligue qu'on la soupçonne être disposée de former, en opposition au traité de Versailles. C'est pour empêcher la réussite d'une pareille entreprise que la cour de France a envoyé à Pétersbourg le sieur Douglas, chargé, à ce qu'on prétend, de proposer à la Russie de faire un traité de subsides avec la cour de France, aux mêmes conditions que renferme celui qui subsiste maintenant entre la première de ces deux cours et celle de Londres.“

Potsdam, 29 juin 1756.

Votre rapport du 18 de ce mois m'a été bien rendu, et je vous sais infiniment gré des ouvertures que vous continuez de me donner sur la façon qu'on pense en France à l'occasion de la conjoncture présente.

Par tout ce que vous m'en marquez, et par ce que j'apprends d'autres lieux encore, je me crois fondé de supposer qu'il y a des articles secrets ajoutés au traité d'alliance entre les cours de Versailles et de Vienne, dont on ne voudrait laisser rien transpirer encore, par les engagements pernicieux qu'on y a pris, même très préjudiciables aux véritables intérêts de la France, dont peut-être l'on ne s'aperçoit pas assez en France dans le premier feu de vivacité.

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Il y a des gens qui prétendent savoir que la France a stipulé un subside de 800,000 florins à l'Autriche, pour que celle-ci recouvre la Silésie, et qu'en reconnaissance la Reine-Impératrice cèderait à la France Ypres avec la Châtelanie; il y a d'autres qui présument des concerts pris relatifs à la religion; pour moi, je n'en crois rien, mais je compte de ne pas me tromper, quand je présume avec un grand degré de probabilité qu'il y a des articles secrets qui ne comprennent rien de bon.

Pour savoir combien tout ceci est fondé ou non, je crois que, dans un pays tel que celui où vous vous trouvez et où l'indiscrétion est bien plus grande que dans d'autres,482-1 vous trouverez les moyens, en usant de votre adresse et de savoir-faire, de pénétrer entièrement ce mystère ou d'en savoir au moins autant que vous saurez faire des combinaisons justes. Un de ces moyens que je vous indique, serait peut-être, pourvu que vous vous y preniez habilement, de fâcher un peu le sieur de Rouillé dans les entretiens que vous aurez avec lui, afin de lui faire lâcher le mot et lui arracher son secret; mais il faudra que vous vous preniez bien sagement, pour ne pas vous commettre sérieusement avec lui.

Federic.

Nach dem Concept.



480-1 Vergl. S. 424.

481-1 Vergl. S. 412.

482-1 Vergl. Bd. XI, 476.