<194> les Français en feront-ils moins? On est sûr qu'ils craignent la guerre de terre,1 d'une part par la dépense immense que leur coûtent leur flotte et cette armée dont l'entretien serait très coûteux, d'autre part par des raisons de cour et des intérêts particuliers de certaines personnes2 qui craignent que, la guerre étant sur le continent, le roi de France ne voulût encore se présenter à la tête de ses armées; mais, malgré ces raisons que l'on vient d'alléguer, il n'est pas douteux que, si la France essuie un grand échec sur mer, elle ne reprenne ses desseins sur l'électorat d'Hanovre, à quoi elle est excitée par la cour de Vienne, qui, désirant les troubles de l'Allemagne, n'épargnera rien pour y embarquer la France le plus avant qu'elle pourra.

On se rappelle à cette occasion qu'il avait été fait mention de la Porte Ottomane dans le dernier mémoire,3 et comme il paraît que la délicatesse de Sa Majesté Britannique serait blessée des insinuations que le sieur Porter pourrait faire à Constantinople contre la cour de Pétersbourg, il paraît qu'il y aurait un autre chemin à prendre par lequel on parviendrait à la même fin, qui serait de représenter au Grand-Visir tout le danger qui résulte pour l'Empire Ottoman de l'étroite alliance qui subsiste actuellement entre la cour de Vienne et celle de France,4 et au cas que la guerre survînt en Allemagne, on pourrait y ajouter que ce serait le moment propre pour les Turcs de profiter de cet évènement, pour les mettre à l'abri des suites funestes que cette alliance pourrait leur causer. Il serait à souhaiter qu'après tous les ménagements et tous les bons procédés que la cour de Londres a eus pour celle de Pétersbourg, elle pût y faire quelques progrès; mais il paraît que ce sera peine perdue.

On ajoute encore une réflexion à ceci, soumettant le tout aux lumières supérieures de Sa Majesté Britannique, c'est que, voyant que le nouveau triumvirat formé en Europe, bien loin de conserver quelque ménagement pour ses anciens alliés, s'achemine tout droit à l'exécution de ses dangereux projets, il paraît juste que l'Angleterre et la Prusse, bien loin de se laisser amuser par eux, travaillent avec la même vigilance pour s'y opposer. Les anciens systèmes ne sont plus; ce serait vouloir courir après une ombre que les vouloir rétablir. Il y a des engagements trop forts qui lient à présent ces puissances dictatrices du sort des rois; il ne reste aux puissances qui veulent s'opposer à leur tyrannie et aux proscriptions qu'elles méditent, qu'à former un système nouveau de leur côté, pour qu'un nouvel équilibre se forme en Europe et que la force puisse réprimer la violence et rompre des desseins pernicieux à tous ceux qui aiment leur patrie, leur liberté et le bien de toute l'Europe.

Nach dem eigenhändigen Concept; übereinstimmend mit der an Mitchell übergebenen Ausfertigung im Public Record Office zu London.



1 Vergl. Bd. XII, 508.

2 Vergl. S. 62.

3 Vergl. Bd. XII, 474.

4 Vergl. S. 180. 189.