7692. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A COMPIÈGNE.

Knyphausen berichtet, Paris 2. Juli, in einem Postscript zu dem an den König allein gerichteten Immediatbericht,60-2 in Beantwortung des Erlasses vom 12. Juni:60-3 „Quant à l'éclaircissement que Votre Majesté me demande sur la façon actuelle de penser de la cour de France à Son égard et le degré de confiance qu'Elle saurait prendre en cette dernière, j'observerai primo, que la confiance qu'on avait prise en Votre Majesté, et qui, après avoir éprouvé différentes altérations, se trouvait tout-à-fait établie au moment de la mission de M. de Nivernois, a été entièrement détruite par la convention de neutralité conclue entre Elle et l'Angleterre. Le peu d'égard qu'on accuse<61> Votre Majesté d'avoir marqué à la France en cette occasion, et le moment qu'Elle a choisi pour Se porter à cette démarche, ont entièrement aliéné à Son égard le ministère de France et toute la nation. Le Roi en a eu le coeur ulcéré au delà de toute expression, et il est certain que, sans cet évènement, le système qu'on vient d'établir, et qui avait été rejeté en 1751 et depuis à différentes reprises,61-1 n'aurait jamais eu lieu. J'ajouterai cependant que, comme l'alliance qu'on vient de former avec la maison d'Autriche, est sujette à de grands inconvénients, dont on ne tardera pas à s'apercevoir, qu'elle est antipathique à toute la nation et qu'elle répugne à plusieurs membres du conseil, il pourrait bien arriver qu'on en revînt après la fin de la guerre présente à l'ancien système, principalement si Votre Majesté Se comporte avec modération et qu'Elle ne marque aucun ressentiment envers la France. J'estime donc que, si Votre Majesté est d'opinion que l'alliance de la France Lui soit avantageuse, rien ne saurait mieux L'éclaircir sur les vraies dispositions de cette cour, ni La justifier davantage dans l'esprit du ministère que la proposition du renouvellement de Son traité d'alliance défensive dont j'ai fait mention dans mes précédents et très humbles rapports. On pourrait même sonder le ministère de France indirectement à cet égard et de manière à ne point commettre Votre Majesté, ni L'exposer à un refus. — Secundo, pour ce qui concerne la façon actuelle de penser du ministère de France à Son égard, je ne dois point laisser ignorer à Votre Majesté que ceux qui ont été les promoteurs du nouveau système, ont allégué pour leur justification les motifs suivants: que Votre Majesté était un prince en lequel la France ne saurait sans danger placer sa confiance; que, dans toutes les occasions où cette cour se trouverait exposée, Elle lui tournerait te dos, ainsi qu'Elle l'avait fait en dernier lieu, et qu'Elle l'avait déjà abandonnée d'autres fois; que les alliances qu'on pourrait contracter avec Votre Majesté, seraient donc non seulement inutiles pour la France, mais même dangereuses, attendu que la haine implacable que la maison d'Autriche avait vouée à Votre Majesté, jointe à la dureté avec laquelle Elle traitait tous Ses voisins, armeraient tôt ou tard l'Allemagne contre Elle et pourraient y susciter une guerre dont la France partagerait les risques et les frais, sans pouvoir en retirer aucune utilité. Ce poison, qu'on a répandu avec adresse, et dont les esprits sont maintenant assez généralement imbus, n'est pas le seul dont on ait fait usage contre Votre Majesté; on a ajouté au raisonnement que je viens de rapporter, que les deux tiers de la puissance de Votre Majesté consistaient dans Ses qualités personnelles, dans Son courage, Son activité, Son amour pour le travail, l'application avec laquelle Elle gouvernait Son royaume; que l'armée qu'Elle avait actuellement sur pied, était supérieure à l'étendue et à la population de Ses États, qu'Elle ne saurait la recruter en temps de guerre; que, par Ses finances, Elle n'était d'ailleurs pas en état de pouvoir soutenir la guerre au delà d'un temps fort court, après lequel Elle serait à la charge de Ses alliés; que, la puissance actuelle de Votre Majesté étant donc plutôt artificielle et personnelle qu'inhérente à Ses États, Elle n'était point un allié sur lequel on pût fonder un système stable et permanent, tel qu'il convenait que l'eût une puissance comme la France. Enfin, d'autres ont observé que la puissance de Votre Majesté était parvenue au période où il était désirable qu'elle restât pour les intérêts de la France, qui, en L'aidant à S'agrandir et à acquérir la Silésie, n avait eu d'autre but que de former un contre-poids en Allemagne qui pût tenir en équilibre la balance du Corps Germanique contre les usurpations de la maison d'Autriche; que, cet équilibre étant donc une fois établi et modifié d'une façon avantageuse pour la France, il ne serait pas conforme à la prudence de s'exposer à le déranger ou à le détruire, en aidant Votre Majesté à Se fortifier et à faire de nouvelles conquêtes. — Je passe maintenant au dernier article de la lettre susalléguée de Votre Majesté, par lequel Elle me demande des éclaircissements sur la façon actuelle de penser de Madame de Pompadour, du sieur de Machault et du maréchal de Belle-Isle à Son égard. La première a toujours regardé Votre Majesté comme un prince extrêmement hardi et entreprenant, et qu'elle a redouté à différents égards, non seule<62>ment comme pouvant entraîner le Roi dans des entreprises qui seraient contraires à ses vues personnelles, mais aussi comme pouvant par les seuls exemples qu'Elle donne à ce Prince, et l'émulation que Sa conduite est capable d'inspirer, le tirer de l'état d'indolence et d'inaction dans lequel on cherche à l'entretenir. Elle n'a donc jamais été portée pour Votre Majesté en aucune occasion. Les ministres d'Angleterre et d'Autriche ont de tout temps été ceux qu'elle a le plus favorisés,62-1 et elle a saisi avec un empressement singulier l'évènement de la convention de neutralité conclue entre Votre Majesté et l'Angleterre, pour déterminer le Roi et le conseil à adopter le plan proposé à elle à différentes reprises par le comte de Kaunitz. Le sieur de Machault a de tout temps été entièrement dévoué à la Marquise; il suit en tout sa volonté et se conforme à son avis en toutes les occasions. Il est, ainsi qu'elle, ennemi juré du comte d'Argenson,62-2 et en cette qualité, ainsi qu'en celle de ministre de la marine, toutes les liaisons qui peuvent servir d'acheminement à une guerre de terre, lui répugnent singulièrement. Ce serait donc se faire une illusion bien grossière, que de le mettre au nombre des partisans de Votre Majesté. Mais, heureusement, il influe peu sur les affaires étrangères et est doué d'ailleurs de peu d'activité et d'expérience. Le maréchal de Belle-Isle a été de tout temps le partisan le plus zélé et le plus ardent de Votre Majesté qu'Elle ait eu dans ce pays-ci.62-3 Mais Sa convention de neutralité avec l'Angleterre a prodigieusement ralenti la chaleur avec laquelle il parlait autrefois en Sa faveur, et l'a d'autant plus affligé et humilié que c'était lui qui avait été le principal promoteur de la mission de M. de Nivernois,62-4 et qui avait rassuré le conseil sur les soupçons qu'on commençait déjà à avoir ici lors du départ de ce dernier.62-5 Cet évènement, joint à l'indisposition actuelle du Roi et de tout le conseil contre Votre Majesté, fera que le maréchal de Belle-Isle n'hasardera jamais d'ouvrir aucun avis en Sa faveur.“ Knyphausen meldet, Paris 2. Juli, in dem an das Ministerium und den König zugleich gerichteten Bericht, über die Absicht Frankreichs, ein Truppencorps nach Corsica zu entsenden, und über die Anbahnung von Verhandlungen Frankreichs mit Genua62-6 und Baiern62-7 zum Abschluss von Subsidienverträgen. Knyphausen meldet weiter, dass durch das Geschwader des Admirals La Galissonnière ein dänisches Fahrzeug aufgebracht worden sei. „Le ministre de Danemark … est extrêmement surpris de cet événement et craint fort qu'il ne fasse un fort mauvais effet à sa cour, après toutes les facilités qu'elle a apportées à l'armement qu'elle vient de faire,62-8 et auquel elle s'est uniquement prêtée en vue de complaire à la France. Plusieurs personnes pensent que l'Angleterre pourrait bien profiter de cet incident, pour semer de la mésintelligence entre les deux cours et tempérer la chaleur avec laquelle le Danemark a paru se prêter dans ces derniers temps aux vues de la France … La négociation de la France avec la cour de Madrid62-9 … est, selon toutes les apparences, beaucoup plus avancée qu'on ne le croit en Angleterre, et… l'intimité de l'ambassadeur d'Espagne avec M. Rouillé, l'abbé de Bernis et le comte de Starhemberg augmente de jour en jour. Le ministère d'Angleterre n'a donc pas un moment à perdre, s'il veut s'opposer à la réussite de cette négociation, ainsi que son intérêt l'exige.“

Potsdam, 13 juillet 1756.

J'ai reçu votre rapport du 2 de ce mois. Je suis très content de la relation immédiate que vous y avez jointe. Dans la conjoncture présente, il ne m'importe pas d'apprendre des choses agréables, mais de savoir des vérités; c'est pourquoi aussi vous ne devez point me ménager, mais me mander tout purement et naturellement les choses<63> telles qu'elles sont véritablement. Cependant, il est toujours bon, afin que les propos mauvais et mal fondés qui se débitent là où vous vous trouvez, ne fassent pas trop d'impression au public, ni ne s'enracinent tout-à-fait, que vous deviez avoir soin de glisser dans le public, en parlant là-dessus à toute sorte de gens, les ministres de France exceptés, auxquels vous n'en direz rien, les insinuations suivantes, savoir: que, quant à l'animosité de la cour de Vienne contre moi, on avait raison de dire en France qu'elle était si grande et extraordinaire que, si on sentait là que la France, restant alliée avec moi, saurait avoir tôt ou tard la guerre avec les Autrichiens, il fallait que j'avouasse qu'on accusait juste là-dessus. Cependant, comme les Français marquaient tant de répugnance, pour m'assister dans une guerre où je pourrais être engagé avec l'Autriche, il me paraissait que cela justifiait les mesures que j'avais prises dans la guerre présente. Que le cas était bien différent en ceci entre moi et l'Impératrice-Reine; que, par mon traité précédent avec la France, elle m'avait garanti mes possessions en63-1 Europe et que j'avais garanti les leurs réciproquement; que, les affaires de l'Amérique n'étant donc point comprises dans nos traités, ils avaient mauvaise grâce à s'offenser du déni de secours que je ne leur dois pas. Que la reine de Hongrie, qui a eu un traité avec l'Angleterre, semblable à peu près à celui que j'avais avec la France, s'est servie du même argument que moi envers l'Angleterre, en lui déclarant que ses traités, étant relatifs aux possessions des deux cours en Europe, ne pouvaient point être étendus sur l'Amérique, et que par conséquent la reine de Hongrie, n'étant tenue par aucun engagement à se mêler de la guerre présente, avait fait un traité de neutralité avec la France. Or, si cet argument est bon dans la bouche de la Reine-Impératrice, il doit être encore meilleur pour moi, parceque mon traité avec la France est expiré63-2 et que celui de la reine de Hongrie avec l'Angleterre ne l'est pas de longtemps. Si donc on s'imagine en France que je serais obligé de faire la guerre sans raison, quand ils le jugeraient à propos, ils se sont lourdement trompés, je croyais être leur allié et non pas leur valet. Faites remarquer surtout à vos beaux raisonneurs la contradiction dans laquelle ils tombent: les uns disent que je suis trop puissant et que la France doit s'opposer à mon agrandissement; les autres disent que ce n'est qu'une force précaire, qui n'est que l'ouvrage de l'industrie, que la Prusse sera un allié qui deviendra à charge à la France, c'est donc dire que la Prusse est trop faible. Que ces gens, de grâce, se décident donc et conviennent avec eux-mêmes si je suis ou trop puissant ou trop faible pour eux. Je me suis aperçu de longue main qu'on avait en France de la prédilection pour la cour<64> de Vienne et de la méfiance contre moi; aurait-il été prudent, vu la façon de penser de vos gens, de s'embarquer avec eux à tout hasard? Quant au système qu'ils ont adopté présentement, il est si forcé et si contraire à leurs intérêts permanents qu'il faut attendre qu'ils en sentent eux-mêmes l'incompatibilité avec évidence; mes démarches leur paraîtront innocentes, dès qu'ils verront que la maison de Bourbon et celle d'Autriche ont des vues et des intérêts diamétralement opposés, mais à présent qu'ils abondent encore dans leur sens et qu'ils sont dans les premiers moments de leur ivresse, il faut les laisser aller, jusqu'à ce qu'ils commencent à cuver leur vin.

Sur ce qu'ils m'accusent d'agir durement envers mes voisins — ces voisins qu'on sous-entend, sont le roi de Pologne et le duc de Mecklembourg —, je prie qu'on me dise si jamais j'ai envoyé contre le gré de ces princes des corps de troupes, comme les Français vont en envoyer aux Gênois,64-1 et si je les ai traités avec la hauteur que le sieur d'Affry a traité les Hollandais?64-2 Mais voilà des choses que leur amour-propre leur cache, et dont ils ne conviendront point. Un roi de France, à ce qu'on dit à présent, est un assez grand prince pour endurer des avanies, pour moi qui ne suis qu'un petit prince en comparaison de lui, je préfère mon honneur à la possession de toute la terre, et j'avoue que je n'ai pas la modération de me voir insulter impunément, ni par un roi de Pologne, ni par un duc de Mecklembourg. Français premier qui était un preux chevalier, aurait sûrement décidé en ma faveur.

Federic.

Nach dem Concept, zum grossen Theil eigenhändig. Vergl. S. 63 Anm. 1.



60-2 Vergl. S. 55.

60-3 Vergl. Bd. XII, Nr. 7559 S. 400.

61-1 Vergl. Bd. XII, 179.

62-1 Vergl. Bd. IX, 444; XI, 1

62-2 Vergl. Bd. X, 405; XII, 424.

62-3 Vergl. Bd. XII, 507.

62-4 Vergl. Bd. XI, 242.

62-5 Vergl. Bd. XI, 374.

62-6 Vergl. Bd. XII, 446.

62-7 Vergl. Bd. XII, 4S0.

62-8 Vergl. Bd. XII, 502.

62-9 Vergl. Bd. XII, 515.

63-1 Für das Folgende bis zum Schluss des Erlasses liegt ein eigenhändiges Concept vor. Der Anfang dieses Conceptes fehlt in den Acten; es begann wahrscheinlich schon mit den Worten: „Je suis très content de la relation immédiate etc.“

63-2 Vergl. Bd. I, 257; XII, 507.

64-1 Corsica (vergl. Bd. XII, 446) gehörte der Republik Genua.

64-2 Vergl. Bd. XII, 510.