8107. AU SECRÉTAIRE BENOÎT A VARSOVIE.

Sedlitz, 24 septembre 1756.

Le rapport que vous m'avez fait du 17 de ce mois, m'a été fidèlement rendu. Dans la grande fermentation qui règne actuellement sur les lieux où vous vous trouvez,445-4 je crois nécessaire de vous mettre au fait de ce qui est arrivé depuis mon entrée en Saxe touchant le personnel du roi de Pologne, afin que vous sachiez vous expliquer envers ceux qu'une passion aveugle ne préoccupe pas entièrement contre moi, et de les rectifier sur plusieurs circonstances.

Vous savez que, quand le roi de Pologne avait indiqué la Diète et qu'il me fit demander des chevaux de relais par la route ordinaire,<446> je m'y prêtais avec toute la facilité possible;446-1 aussi tout fut-il arrangé pour ceci.

Comme, en attendant, mon entrée se fit en Saxe pour marcher en Bohême, le roi de Pologne me fit déclarer par son ministre à Berlin446-2 qu'il avait trouvé bon de différer la Diète à un autre temps, qu'il resterait en Saxe et qu'on n'avait qu'à renvoyer les relais; cela fut fait conformément à son désir.

Vous connaissez la déclaration que je fis publier dès mon entrée en Saxe;446-3 le roi de Pologne, préférant alors de rester plutôt parmi ses troupes saxonnes que d'aller tenir la Diète en Pologne, m'envoya une lettre pour me marquer sa surprise de la susdite déclaration; sur quoi, je n'hésitais pas de lui répondre446-4 que ce n'était ni cupidité, ni l'ambition qui dirigeaient mes démarches, mais que c'était la protection que je devais à mon pays, et la nécessité de prévenir certains complots qui se formaient contre moi, et qui deviendraient plus dangereux de jour en jour, si je ne les prévenais pas.

Il est à noter que je venais d'être averti qu'on était actuellement en pourparlers que l'armée saxonne devait entrer en Bohême se joindre à celle des Autrichiens; je fus, outre cela, averti par un bon canal de Vienne446-5 qu'il y avait le plan que les troupes saxonnes camperaient sur les hauteurs de Pirna où elles sont actuellement encore, qu'ils laisseraient tranquillement passer mes troupes en Saxe et qu'on me donnerait toutes les sûretés que je demanderais, mais, dès que je serais engagé en Bohême ou en Silésie, les troupes saxonnes se joindraient avec quelques troupes légères autrichiennes pour entrer tout droit en mon pays.446-6

Je prévins ces coups par la diligence que je fis pour atteindre les troupes saxonnes, et, sur une autre lettre que le roi de Pologne m'envoya, je lui répondis446-7 que,446-8 vu la mauvaise volonté de son ministre tout-puissant sur son esprit, je ne saurais laisser sur mes derrières des troupes qui n'attendraient que le moment de me voir bien engagé avec mes ennemis, pour entreprendre sur moi; que j'aurais cependant tous<447> les égards pour le roi de Pologne et pour sa famille royale, que je n'entreprendrais rien contre leur liberté et que, s'il plaisait au Roi de vouloir traverser même mon armée pour aller où Sa Majesté le jugerait à propos, tout le monde aurait la considération pour elle, comme si nous étions alliés. Malgré cela, ce Prince aima mieux de rester auprès de ses troupes; il me fit offrir à la vérité des otages et quelques places, quoique ouvertes et malsûres, pour le passage de mon armée en Bohême.447-1 Je lui remontrai447-2 qu'il serait très dangereux pour moi, pour ne pas dire impossible, d'avancer de la Saxe en Bohême, en laissant une armée derrière moi qui pût, par la suite, me faire repentir. On vint à des pourparlers. J'envoyais un de mes généraux pour tâcher de faire nos convenances réciproques;447-3 j'eus la réponse447-4 qu'en vertu d'une alliance défensive avec la Reine-Impératrice on ne saurait pas s'en séparer, quoiqu'on voudrait promettre la neutralité pour le cas de la guerre présente. L'on se monta sur un ton plus [haut], le roi de Pologne demanda la libre entrée et sortie de sa cour pour passer en Pologne, et je le priai447-5 de vouloir bien, avant que de partir, finir avec moi la négociation qu'il avait entamée, qui souffrirait trop de longueurs par son éloignement; après il agirait selon son bon plaisir; et voilà où tout est resté. Aussi, depuis ce temps-là, je me contente de bloquer les troupes saxonnes, après avoir détaché un corps d'armée en Bohême, qui est campé au delà de la ville d'Aussig, et le feldmaréchal Schwerin s'est campé avec son corps d'armée auprès de Kœniggrætz.

Il y a, d'ailleurs, un autre incident sur lequel on criera, quoique sans raison, en France.447-6 Vous connaissez le précis des dépêches du comte de Brühl que je vous ai communiqué.447-7 Pour justifier les accusations que j'y avais fait entrer de ses complots contre moi, et leur, authenticité, j'avais trouvé nécessaire de [me] munir, s'il était possible des originaux de ces dépêches; sans quoi, ce ministre aurait eu le front de donner un haut démenti à ces dépêches, comme si elles n'avaient jamais existé, mais que c'étaient des pièces forgées. Ces dépêches s'étant donc trouvées encore à la chancellerie de Dresde, je m'en fis saisir447-8 dans la vue d'en justifier devant tout le monde l'authenticité des pièces que j'avais accusées dans le précis, pour mettre au jour les noirs complots de ce ministre contre moi; hormis quelles pièces on n'a pas touché à aucune autre, ni violé aucunement les papiers des archives de Dresde.

Federic.

Nach dem Concept.

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445-4 Vergl. Nr. 8106 und S. 384. 406. 423.

446-1 Vergl. S. 306.

446-2 Vergl. Nr. 7977 S. 341.

446-3 Vergl. S. 322.

446-4 Vergl. Nr. 7955.

446-5 Vergl. S. 377.

446-6 Vergl. S. 377. 378.

446-7 Für die letzten Abschnitte liegt noch eine kürzere erste Redaction vor: „Au reste, je crois nécessaire pour votre direction de vous mettre au fait de ce qui s'est passé depuis mon entrée en Saxe par rapport à la cour de Dresde, afin que vous soyez à même de vous expliquer envers ceux qui ne sont pas tout-a-fait passionnés contre moi. Dès mon entrée en Saxe, vous savez la déclaration que j'ai fait publier; sur une lettre que le roi de Pologne me fit pour marquer sa surprise de cette déclaration, je lui répondis ouvertement que ce n'était ni la cupidité ni l'ambition qui dirigeaient mes démarches, mais la protection que je devais à mon pays, et la nécessité de prévenir des complots qui deviendraient plus dangereux de jour en jour, si je ne les prévenais pas. J'étais averti de lieu sûr qu'on tâtait le roi de Pologne pour faire entrer les troupes saxonnes en Bohême se joindre aux Autrichiens. Je les prévins et déclarai à ce Prince que …

446-8 Vergl. Nr. 7981. 8010.

447-1 Vergl. Nr. 8013.

447-2 Vergl. S. 370.

447-3 Vergl. S. 3S0. 3S8. 394. 395.

447-4 Vergl. S. 395.

447-5 Vergl. Xr. S054 S. 401. 402.

447-6 Sic; statt Pologne.

447-7 Vergl. S. 307—309. 384.

447-8 Vergl. S. 376. 377.