8162. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A PARIS.

Knyphausen berichtet, Paris 24. September: „Quant à ce qui concerne … les mouvements que se donne la cour de Saxe pour déterminer Sa Majesté Très Chrétienne de s'intéresser en sa faveur, je viens d'apprendre qu'il est arrivé de nouveau un courrier du comte de Broglie, par lequel il se plaint, à ce qu'il m'est revenu indirectement, d'avoir été arrêté496-2 dans sa course par les troupes de Votre Majesté et conduit à Dresde, quoiqu'il fût muni d'un passe-port prussien. Ce courrier a apporté à Madame la Dauphine des lettres du Roi son père, ainsi que de la reine de Pologne, où l'on étale avec emphase différentes violences qu'on prétend avoir été commises par les troupes de Votre Majesté, tant à Dresde qu'en plusieurs autres villes de la Saxe et même à l'égard de la famille royale. La réception de ces nouvelles a jeté de nouveau Madame la Dauphine dans le plus grand désespoir et a fait les impressions les plus vives sur l'esprit du Roi et de toute la famille royale, ainsi que du ministère de France. Je ne saurais même cacher à Votre Majesté que l'aigreur que ces différents incidents causent, s'augmente de jour en jour de la manière la plus sensible, et qu'elle est portée à un excès que je ne saurais exprimer, et qui soulève toute la nation contre Elle. L'on ne garde même plus aucunes mesures à cet égard, et l'on se lâche sur le compte de Votre Majesté avec une indécence dont il n'y a peut-être point d'exemple.“

Quartier général de Lobositz, 6 octobre 1756.

Vos deux rapports du 20 et 24 de septembre dernier m'ont été fidèlement rendus, et je regrette fort que la France prenne si haut qu'elle semble le faire, la démarche à laquelle je me suis vu nécessité contre la cour de Dresde, bien que la France n'ait actuellement aucun traité, ni ne soit alliée de ladite cour.

Mon ministère vous fera parvenir différentes pièces authentiques par lesquelles chacun pourra se convaincre des mauvais procédés des cours de Vienne et de Dresde à mon égard, et ils ont ordre d'y ajouter un mémoire concernant ce qui s'est fait relativement à la démarche contre la Saxe.496-3 Je veux cependant bien vous dire là-dessus au préalable pour votre direction qu'on a désigné depuis du temps et tout exprès ici en Bohême un nouveau chemin, devant servir à conduire au travers de la Bohême en Saxe,496-4 lequel on a bordé de poteaux avec l'inscription de grand chemin militaire de Bohême en Saxe. Ces poteaux subsistent encore actuellement et forment, avec plusieurs autres choses de cette nature, des preuves parlantes de la mau<497>vaise intention contre moi et des concerts qui ont été arrêtés en conséquence entre les deux cours de Vienne et de Dresde.

Ce sont là des circonstances qui prouvent ouvertement le dessein de la cour de Vienne de rompre avec moi, et qui m'ont forcé absolument à ne pas laisser derrière moi un corps de troupes saxonnes, et c'est principalement à cette fin que je suis entré en Saxe, où je me vois obligé de bloquer lesdites troupes, s'étant cantonnées dans un poste inattaquable. Je ne demande d'ailleurs rien au roi de Pologne et ne prétends acquérir pas même un pouce de large de ses États. Les bruits que Brühl fait courir497-1 de cruautés, de pillages commis et d'autres choses de cette nature, ne sont absolument pas fondés, et quant aux caisses de la Saxe, il a fallu s'en assurer pour ôter par là les moyens aux troupes saxonnes de subsister et de se mouvoir contre moi. Il ne s'agit donc que de ces troupes, et j'ai tous les égards et considérations possibles pour la personne de Sa Majesté Polonaise, à laquelle, nonobstant la bloquade desdites troupes, auprès desquelles ce Prince a trouvé bon de se rendre, j'ai ordonné qu'on passât tous les vivres demandés de sa part pour le service de sa table,497-2 tout comme, d'un autre côté, j'ai fait payer à la reine de Pologne les sommes qu'elle a sollicitées comme des arrérages qui lui étaient dus.497-3

Quant au reste, pour ce qui concerne des fourrages et vivres qu'on a demandés au pays de Saxe, ce sont là des articles indispensables à une armée, et il ne s'est rien fait à cet égard qui ne se pratique en toute guerre où les choses se font avec la régularité la plus scrupuleuse au monde.

Ce sont là les objets que le comte Brühl a si fort grossis et amplifiés à l'infini envers la Dauphine et la cour de France, lui dont chacun sait combien peu il mérite croyance. Pour conclusion, il m'est inconcevable comment on puisse prétendre en France que je reste coi sans rien faire, et que je souffre patiemment qu'on me lie poings et pieds, pendant que la cour de Dresde conclut un traité de partage de mes États497-4 et remue ciel et terre contre moi, de même comment la France puisse pencher ainsi tout entière d'un côté, sans ne vouloir avoir le moindre égard à l'autre. Ce sont là des choses que vous direz à des personnes équitables, et qui ne sont pas tout-à-fait préoccupées, et que vous glisserez même dans le public pour l'adoucir et empêcher qu'il ne soit entièrement prévenu contre moi.

Au demeurant, vous veillerez avec une attention extrême sur les arrangements militaires de la France, et vous aurez soin de faire en sorte que vos dépêches immédiates traitent principalement de ces arrangements et de ce qui a du rapport au militaire.497-5

<498>

En attendant, vous saurez dire à qui le voudra entendre, que j'ai bien battu l'armée autrichienne en Bohême.

Federic.

Nach dem Concept.



496-2 Der Courier war festgehalten worden. Vergl. S. 362.

496-3 Vergl. Nr. 8160. 8161.

496-4 Vergl. S. 494.

497-1 Vergl. S. 493.

497-2 Vergl. S. 422.

497-3 Vergl. S. 473.

497-4 Vergl. S. 413.

497-5 Vergl. S. 434.