8262. MÉMOIRE REMIS AU MINISTRE DE LA GRANDE-BRETAGNE MITCHELL A SEDLITZ.

[Sedlitz,] 29 octobre [1756].

Mémoire.

Dans la grande crise des affaires de l'Europe, l'on propose à Sa Majesté Britannique de vouloir bien considérer l'état des choses présentes et les remèdes que l'on peut y porter pour agir sans perte de temps et prendre les mesures nécessaires dès le commencement de cet hiver pour trouver des ressources à temps contre les malheurs que l'on peut vraisemblablement prévoir.

La reine de Hongrie a 90,000 hommes de troupes réglées en Bohême, à celles-là elle joint 10,000 Hongrois, 8,000 hommes qu'elle retire d'Italie, 16,000 de la Flandre, 4,000 Würtembergois, 8,000 Bavarois, 2,000 de Bamberg, et 24,000 Français; le total de son armée 162,000 hommes. On est incertain de la Russie, mais, selon ce que cette puissance déclare, elle se propose de faire au moins marcher 40,000 hommes contre le roi de Prusse. La France, à ce que l'on assure, a promis à la reine de Hongrie de faire une diversion avec une armée de 40,000 hommes dans le pays de Clèves; on laisse à considérer à Sa Majesté Britannique si Elle peut laisser envahir le pays de Clèves de sang froid, si les progrès des Français au delà du Rhin ne menaceraient pas dans peu le Wéser et son propre électorat, si la liberté germanique, la cause protestante et l'équilibre de l'Europe ne courent pas le plus grand danger.

Tout ce que la Prusse peut faire, c'est de résister à tant d'ennemis. Elle est obligée d'abandonner les pays de Clèves et de la Mark au hasard des évènements; mais comme il ne suffit pas d'exposer le mal, on propose en même temps les remèdes, qui cependant sont les seuls dont on puisse faire usage:

1° De détacher tout-à-fait la Russie de la cour de Vienne.

2° L'article principal serait de porter la cour ottomane à faire une diversion à la reine de Hongrie, ce qui soulagerait la Prusse au moins de 70,000 ennemis.

3° De rassembler toutes les troupes hanovriennes dans le pays, de les augmenter au nombre de 30,000 hommes, d'y ajouter 10,000 Hessois, 5,000 hommes de Brunswick, et 3,000 de Gotha, ce qui ferait 50,000578-1 hommes, armée suffisante pour faire tête aux Français, et qui recevrait un nouveau lustre, si le duc de Cumberland la commandait, ce qui paraît d'autant plus faisable qu'après ces gros dé<579>tachements de l'armée française le reste ne serait pas suffisant pour alarmer les côtes de l'Angleterre, l'année qui vient.

4° Ne pourrait-on pas avoir quelque complaisance pour le commerce des Hollandais, à faire de les engager, l'année qui vient, de faire cause commune avec l'Angleterre, et n'aurait-on pas plus à gagner par ce secours qu'à perdre pour les marchands anglais par quelque légère contrebande que font les négociants d'Amsterdam?

5° Ne pourrait-on pas captiver la bonne volonté de quelques régents, pour se procurer la supériorité dans le conseil suprême de la Régence?

On touche tous ces articles très légèrement, faute du temps propre pour s'étendre autant que le demanderait chacun.

Mais on soumet aux lumières supérieures de Sa Majesté Britannique tous ces points qui certainement méritent une très grande attention pour la suite de la présente guerre, et qui causeraient remords pour la vie, si, dans le temps présent où l'on a l'hiver pour se préparer, on en avait négligé quelque dont l'inadvertance pourrait causer la perte des libertés germaniques, la destruction de la cause protestante et la ruine des deux seuls princes qui peuvent la soutenir, sans compter la perte totale de l'équilibre de l'Europe et le despotisme de la maison de Bourbon et d'Autriche établi en Europe, dont il est superflu de faire envisager les suites funestes.

Nach der Mitchell übergebenen Ausfertigung im British Museum zu London. Eigenhändig.



578-1 In der von Mitchell an Holdernesse übersandten Abschrift im Record Office 48,000.