<98>

8386. A LA MARGRAVE DE BAIREUTH A ERLANGUE.

[Dresde,] 30 novembre [1756].

Ma très chère Sœur. J'ai reçu avec bien du plaisir la lettre que vous avez eu la bonté de m'écrire. Je ne puis assez m'étonner des procédés de la cour de Vienne. Comment, à présent que la Fortune n'a encore rien décidé entre nous, elle parle dans l'Empire d'un ton de maître! Que fera-t-elle donc, si j'étais vaincu? Il me semble que c'est une réflexion que tout prince allemand, tant soit peu amoureux de sa liberté, doit faire;1 il faut beaucoup d'aveuglement ou de bêtise, pour ne pas s'apercevoir de cela. Mais laissons toutes ces sottises, car je crains à la fin que je ne mérite une place aux petites maisons, à force de politiquer et d'avoir les oreilles rabattues de toutes ces héroïques sornettes . . .

Nous vivons ici entre nous, les Prussiens d'un côté, les Saxons de l'autre, jusqu'à ce qu'il plaise à ma déesse, la Fortune, d'en décider.

Ne craignez rien pour moi, ma chère Sœur, la campagne qui vient. J'ai un pressentiment que je ne serai ni tué ni blessé, j'avoue cependant que, si les affaires tournaient à mal, je préfrerais cent fois la mort à la situation où je me trouverais. Vous connaissez mes ennemis, et vous pouvez juger quelles couleuvres ils me feraient avaler; mais comme les choses en sont une fois venues aux extrémités, il faut espérer, si la Providence daigne se mêler des misères humaines, qu'elle ne souffrira pas que l'orgueil, l'insolence et la méchanceté de mes ennemis l'emportent sur la justice de ma cause.2 Mais voilà encore de la politique indirecte. En vérité, je vous en demande mille pardons, j'ai la cervelle si remplie de ce qu'il me convient de faire l'année qui vient, que cela absorbe toutes mes pensées, et je ne vaux rien, à quelque sauce que l'on me mette. Quoi qu'il en soit, tout cela ne m'empêchera pas de penser à une sœur que j'adore, ni d'être toute ma vie, ma très chère Sœur, votre très fidèle frère et serviteur

Federic.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.


8387. AU DUC RÉGNANT DE BRUNSWICK A BRUNSWICK.

Dresde, 1er [décembre]3 1756.

Monsieur mon Frère et Cousin. Votre Altesse sera persuadée de toute ma sensibilité sur la marque sincère qu'Elle me donne en continuant de m'instruire de ce [qui] vient à Sa connaissance des nouvelles qui sauraient regarder mes intérêts, dont je Lui rends mille grâces. Il est vrai, cependant, que les nouvelles qu'on reçoit des desseins que les cours de Vienne et de Versailles avisent contre moi, sont jusqu'à



1 Vergl. S. 1. 19. 76.

2 Vergl. S. 117. 124.

3 In der Vorlage verschrieben: novembre.