8706. AU FELD-MARÉCHAL COMTE DE SCHWERIN A NEISSE.

Dresde, 10 mars 1757.

Mon cher Maréchal. J'ai reçu avec d'autant plus de satisfaction la lettre que vous m'avez faite du 6 de ce mois, qu'elle m'a rassuré sur les appréhensions que m'aurait causées votre dernier accident,354-3 si j'en avais été instruit plus tôt, et qu'elle m'apprend votre parfait rétablissement, dont je vous félicite en souhaitant la continuation non interrompue.

Le maréchal de Lehwaldt vient de me mander qu'il avait, depuis quelques jours, la nouvelle comme quoi l'impératrice de Russie était dans la dernière faiblesse et qu'on la supposait même déjà morte, et à ce que je viens d'apprendre ici, la reine de Pologne doit avoir reçu depuis avant-hier des lettres de Varsovie, selon lesquelles ladite impératrice avait été à l'agonie,354-4 sur quoi cependant il faut bien attendre la confirmation.

Entre les nouvelles de l'ennemi que vous m'avez communiquées à la suite de votre lettre, je compte préférablement celle pour la plus sûre et véritable que les Autrichiens tourneront leurs plus grandes forces contre le pays saxon.354-5 S'ils voulaient s'attacher principalement à la Silésie, il faudrait qu'ils prissent des forteresses, au lieu que, faisant ici leurs plus grands efforts, tout tomberait tout d'un coup, si leurs affaires prospéraient. C'est aussi en conséquence que j'ai résolu, au cas que leurs plus grandes forces iront tomber sur la Saxe, de vous faire venir ici, pour commander un corps d'armée séparément et de ne laisser en Silésie sous les ordres de quelqu'autre chef qu'autant de troupes qu'il faut pour se tenir à la défensive. En attendant que cela se décide, j'approuve parfaitement tous les arrangements que vous prenez pour garantir la Basse-Silésie contre les entreprises de l'ennemi.

Pour revenir encore au dessein de l'ennemi sur la Saxe, il faut que je vous dise que je viens d'apprendre qu'il fait actuellement amasser<355> des provisions de bouche dans le comté de Gera355-1 avec le moins d'éclat possible, et qu'il y fait envoyer des grains de Bohême, qu'il fait déposer dans le plat pays auprès des paysans, afin qu'on ne s'en aperçoive pas si tôt, ainsi qu'il est aisé de pénétrer où il en veut.

Au reste, si la nouvelle du maréchal de Lehwaldt se confirme, j'en aurai le cœur bien soulagé, et les choses sauraient prendre toute une autre face. Je suis, mon cher Maréchal, votre très affectionné roi

Le projet des Autrichiens est certainement de faire marcher par Erfurt un corps d'armée dans le Magdebourg, Browne avec la grosse armée doit marcher sur Dresde, et leurs canons de Prague doivent longer l'Elbe, pour que ces deux armées fassent le siège de Magdebourg; les Autrichiens ne garderont qu'une armée d'observation à Kœniggrætz. Si cela se confirme, je serai obligé de changer mes dispositions, pour opposer force à force et pour être faible du côté où l'est mon ennemi. Mais je vous avertirai à temps, et dès que cela sera nécessaire, pour que nous prenions nos mesures bonnes et justes; de cela dépendra tout.

Federic.

Nach der Ausfertigung. Der Zusatz eigenhändig.



354-3 Schwerin war von einem Fussleiden befallen worden.

354-4 Vergl. S. 347. 352.

354-5 Vergl. S. 323. 326.

355-1 Vergl. S. 346.