8713. AU ROI DE LA GRANDE-BRETAGNE A LONDRES.

Dresde, 10 mars 1757.362-2

Monsieur mon Frère. Je ne saurais assez témoigner ma reconnaissance à Votre Majesté de la bonté qu'Elle a eue de me faire communiquer les propositions que les Autrichiens et les Français ont fait faire à Ses ministres.362-3 J'ai été étonné de l'effronterie de ces cours qui ont cru pouvoir obliger Votre Majesté à des démarches si contraires à Son honneur et à Son véritable intérêt; on y voit l'aveuglement que leur inspirent la haine et l'animosité qu'ils ont contre moi, et qu'ils s'imaginent que rien n'est injuste, pourvu que cela tende à ma ruine. Mais j'espère qu'ils auront lieu de se repentir de l'excès de leur animosité, principalement depuis que Votre Majesté a pris des mesures vigoureuses pour le maintien des libertés de l'Allemagne et pour soutenir les engagements qu'Elle a pris avec moi.

Toutes mes nouvelles de la Westphalie sont pleines des mesures que prend l'électeur de Cologne pour se signaler parmi les partisans de la France; on assure qu'il augmente ses troupes dans ses évêchés et qu'il n'attend que l'arrivée de l'armée française pour joindre ses forces aux leurs. Je ne sais si l'armée de Votre Majesté ne pourrait pas profiter de cette conjoncture, pour désarmer des ennemis qui se préparent à Lui faire la guerre.362-4 Cela me paraît d'autant mieux en sa place que la Diète de Ratisbonne, ayant fait tout le mal qu'elle peut faire, rend tous les ménagements que l'on pourrait avoir, inutiles. J'avance simplement mes sentiments, les croyant utiles aux vrais intérêts de Votre Majesté et conformes aux lois de la guerre. Elle diminuerait par ce seul coup le nombre de Ses ennemis, Elle ferait subsister Son armée à leurs dépens et Elle couvrirait en même temps Son électorat.

On dit et l'on assure que les Français veulent passer le Rhin à la moitié du mois d'avril, et je crois qu'il n'y a point de temps à perdre pour prendre des mesures pour que les troupes de Votre Majesté se trouvent rassemblées avant le temps de ce passage; car il est de la dernière importance de ne point être surpris.

Je sais d'assez bon lieu que le dessein des Autrichiens est de tenir un petit corps à Kœniggrætz pour couvrir la Bohême, d'envoyer une grosse armée qui doit se former à Erfurt pour pénétrer dans le duché de Magdebourg,362-5 tandis qu'une troisième sous les ordres de M. de Browne doit tâcher de pénétrer en Saxe en longeant l'Elbe. Je me prépare à prendre de bonnes mesures pour faire échouer tous ces desseins, et si le Ciel nous seconde, j'espère de ne pas mal employer mon temps et mes troupes. Malgré tout cela, je doute beaucoup que la campagne commence avant le mois de juin; tous les fourrages sont consumés, et il faut que de part et d'autre nous attendions le<363> vert pour agir. Je ne manquerai pas d'informer Votre Majesté de toutes les nouvelles qui parviendront à ma connaissance, ainsi que de tous les évènements qui arriveront. L'assurant de la haute et parfaite estime avec laquelle je suis, Monsieur mon Frère, de Votre Majesté le bon frère

Federic.

Dresde, 11 mars 1757.

Monsieur mon Frère. La communication que Votre Majesté a eu la bonté de me faire363-1 des indignes propositions que Lui ont faites les Autrichiens et Français, m'a causé la plus vive reconnaissance. J'ai été étonné de l'effronterie de nos ennemis de croire pouvoir séparer les intérêts de l'électorat d'Hanovre de celui de l'Angleterre et d'imaginer que leur bonne foi épargnerait l'électorat d'Hanovre, après qu'ils m'auraient « écrasé », pour me servir de leur expression favorite.363-2

Il est bien certain que l'intention des Français serait, s'ils venaient à bout de me subjuguer, de retomber ensuite sur les possessions allemandes de Votre Majesté selon leur premier plan, pour forcer par là l'Angleterre à une paix qui leur fût avantageuse; ce piège était trop grossier pour n'être pas découvert d'abord, sans compter qu'il ne serait pas permis en politique de se fier à un ennemi irréconciliable.

La grande confiance que j'ai en Votre Majesté, m'oblige de ne Lui point déguiser les nouvelles que le général de Schmettau me marque d'Hanovre.363-3 Il assure qu'il y passe des courriers autrichiens et que le bruit de la neutralité se renouvelle, que des gens instruits prétendent même savoir qu'on ne traîne les préparatifs de la guerre que pour avoir un prétexte à se dire forcé à la neutralité, et que le ministère ne cherche qu'une excuse pour autoriser cette démarche. Je lui avais demandé s'il était vrai, comme je l'avais vu par les gazettes — et dont je lui marquais mon contentement — que le duc de Cumberland aurait le commandement de l'armée des alliés; il m'a répondu que le général Zastrow était nommé.

Je ne dois point dissimuler à Votre Majesté qu'en combinant tous ces faits, j'aurais lieu d'entrer dans les plus grandes défiances, mais ce qui me rassure, c'est le caractère de Votre Majesté; Elle sait que je ne suis engagé dans cette guerre que pour avoir pris des mesures avec Elle pour la sûreté de Ses États,363-4 et je suis sûr que bien loin de m'abandonner dans la crise présente, Elle remplira Ses engagements avec la bonne foi dont Elle a donné tant de marques éclatantes pendant Son règne glorieux. C'est avec cette ferme confiance que je suis avec la plus haute estime, Monsieur mon Frère, de Votre Majesté le bon frère

Federic.

Nach der Ausfertigung im König!. Staatsarchiv zu Hannover. Eigenhändig.

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362-2 Eichel bemerkt zu diesem ersten eigenhändig vom Könige entworfenen Schreiben: „Die Einlage ist auf allergnädigsten Specialbefehl nicht abgegangen, sondern von Sr. Königl. Majestät geändert worden.“ Zur Absendung gelangte, nach Empfang von Schmettau's Bericht (Nr. 8716), das Schreiben vom 11. März.

362-3 Vergl. Nr. 8620. 8634. 8701.

362-4 Vergl. S. 266. 283. 294,

362-5 Vergl. S. 355.

363-1 Vergl. S. 362 Anm. 3.

363-2 Vergl. Nr. S639.

363-3 Bericht Schmettau's, d. d. Hannover 8. März 1757. Vergl, Nr. 8711. 8716.

363-4 Vergl. Nr. 8712.