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9341. A LA MARGRAVE DE BAIREUTH A BAIREUTH.

[Erfurt,] 17 [septembre 1757].

Ma très chère Sœur. Je ne trouve d'autre consolation que dans vos chères lettres. Puisse le Ciel récompenser tant de vertu et tant d'héroïques sentiments !

Depuis la dernière lettre que je vous ai écrite,1 mes malheurs ne font que s'accumuler. Il semble que le destin veut décharger toute sa fureur et toute sa colère sur le pauvre État que j'ai eu à gouverner. Les Suédois sont entrés en Poméranie; les Français, après avoir conclu une neutralité humiliante pour le roi d'Angleterre avec les alliés — dont les troupes sont obligées de se séparer et d'entrer dans des quartiers que les Français leur assignent, sans que les États respectifs soient délivrés de contributions ni de livraisons, — les Français, dis-je, sont en pleine marche pour inonder les pays de Halberstadt et de Magdebourg. Je m'attends de la Prusse à la nouvelle d'une bataille d'un jour à l'autre; la proportion du nombre des combattants est de 25,000 à 80,000. Les Autrichiens sont marchés en Silésie où le prince de Bevern les suit.2 J'ai avancé de ce côté-ci, pour tomber sur le corps de cette armée alliée, qui s'est enfuie et s'est retranchée derrière Eisenach, dans des montagnes où toutes les règles de la guerre m'empêchent de les suivre, encore plus de les attaquer. Dès que je me retirerai en Saxe, tout cet essaim me suivra. Je suis fermement résolu de tomber sur le corps de celui de tous les généraux ennemis qui m'approchera de plus près, au hasard de tout ce qui peut en arriver. Je bénirai encore le Ciel de sa clémence, s'il m'accorde la faveur de périr l'épée à la main. Si cet espoir me manque, vous m'avouerez qu'il serait trop dur de ramper aux pieds d'un assemblage de traîtres dont les crimes heureux leur procurent l'avantage de pouvoir me donner la loi. Comment, ma chère, mon incomparable sœur, comment pourrais-je réprimer les sentiments de vengeance et de ressentiment contre tous mes voisins dont il n'y en a pas un qui n'ait accéléré ma chute et ne partage mes dépouilles? Comment un prince peut-il survivre à son État, à la gloire de sa nation, à sa propre réputation? Qu'un électeur de Bavière, dans l'enfance ou plutôt dans une espèce de sujétion de ses ministres et stupide à la voix de l'honneur, se livre en esclave à l'impérieuse domination de la maison d'Autriche, et baise la main qui opprima son père,3 je le pardonne à sa jeunesse et à son ineptie; mais sera-ce là l'exemple que je devrai suivre? Non, ma chère sœur, vous pensez trop noblement pour me donner d'aussi lâches conseils. La liberté, cette prérogative si précieuse, sera-t-elle moins chère, dans le dix-huitième siècle, à des souverains qu'elle le fut aux patriciens de Rome? Et où est-il dit que Brutus et Caton pousseraient la générosité



1 9337.

2 Vergl. S. 348.

3 Churfürst Maximilian Joseph schloss, nach dem Tode seines Vaters, am 22. April 1745 mit Oesterreich den Frieden von Füssen. Vergl. Bd. IV, 177. 405.