9820. A LA MARGRAVE DE BAIREUTH A BAIREUTH.

Breslau, 5 mars 1758.

Ma très chère Sœur. J'ai eu le plaisir de recevoir aujourd'hui votre lettre du 19 de février, qui m'a procuré la satisfaction d'apprendre la continuation de votre santé. En vérité, ma chère sœur, vous devez la ménager de toutes les manières, surtout pour ceux qui, comme moi, prétendent avoir sur votre personne le droit que donne l'amitié et l'attachement.

Voilà les Français chassés du pays d'Hanovre et de Brunswick, et l'insolence de leurs propos mal soutenue! Cette armée n'est qu'un ra<286>mas de canaille, excellent pour piller, mais non pas pour se battre. J'espère que le prince Ferdinand profitera de son avantage et enverra plus d'un Gaulois au manoir de Lucifer. Soyez tranquille, ma chère sœur, je vous en supplie; notre prophète286-1 annonce tant de bonnes choses que nous n'aurons pas à nous plaindre, pourvu que la moitié en réussisse.

Je vais partir dans peu pour les montagnes, ce qui, joint aux mesures qu'il faudra prendre ensuite, dérangera fort notre correspondance. Mon frère Henri aura le commandement de l'armée de Saxe; peut être que par lui il y aura de temps en temps moyen de vous faire parvenir de nos nouvelles.

Ce que vous m'écrivez, ma chère sœur, de votre dame d'honneur, m'embarrasse fort; personne, pas même les officiers qui sont à mon service, ne sont eximés des contributions:286-2 la raison vous en sera facile à deviner. Ainsi une terre exemptée ferait crier tout le monde, et peut-être il n'y aurait plus moyen de faire payer les autres. Cependant, je verrai si l'on peut trouver un tempérament pour la contenter.

Je vous supplie de ne vous point faire des images tristes avant le temps et d'attendre que la crise soit passée, pour prendre votre parti. En attendant, je peux vous assurer que mon armée sera à peu près aussi forte que l'année passée, et que, pourvu qu'il n'y ait point de grande catastrophe, je compte de me tirer bien d'affaire. Daignez recevoir les assurances de la parfaite tendresse et de la plus fidèle amitié que je vous ai vouée, et avec laquelle je suis, ma très chère sœur, votre très fidèle frère et serviteur

Federic.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.



286-1 Vergl. S. 267. Anm. 3.

286-2 Die Hofdame war im Mecklenburgischen begütert. Vergl. S. 243.