10156. A LA REINE DE SUÈDE A STOCKHOLM.

Königgrätz, 20 juillet 1758.

Ma très chère Sœur. Nous ne pouvons que joindre nos afflictions pour donner nos communs regrets à la perte que nous venons de faire. J'ai toujours tendrement aimé ce frère, et j'ai été d'autant plus frappé de sa mort que je croyais sa maladie une sciatique, et non pas une<125> atteinte mortelle. Voilà, ma chère sœur, ce que l'on gagne à vivre: l'on voit passer ses plus chers parents qui s'évanouissent comme un ombre, l'on perd ses amis, et cela pour supporter encore quelques années de malheurs et les suivre alors. Ce n'est pas la peine de vivre, et, depuis deux ans, chagrins domestiques, pertes sensibles des personnes les plus respectables, fatalités, malheurs publics, tout s'est amassé sur ma tête. Je suis sûr et persuadé que vous y prenez part, mais je ne peux m'empêcher de vous avouer que tant de fatalités et de travers rendent ma situation terrible et accablante. Il suffisait de la mort de ma chère et digne mère pour me plonger le poignard dans le cœur,125-1 et que n'est-il pas arrivé depuis, et à quoi n'ai-je pas encore à m'attendre? Enfin, ma chère sœur, daignez me conserver dans votre précieux souvenir, et pensez à un frère que sera, tant qu'il respirera, avec la plus parfaite tendresse, ma très chère sœur, votre très fidèle frère et serviteur

Federic.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.



125-1 Vergl. Bd. XV, 203. 204. 211.