10193. A LA MARGRAVE DE BAIREUTH A BAIREUTH.

[Grüssau,] 9 août 1758.

Ma très chère Sœur. J'ai été plus mort que vif en recevant votre lettre, ma chère sœur; mon Dieu, quelle écriture! Il faut que vous reveniez du tombeau; car, certainement, vous devez avoir été cent fois plus mal qu'on me l'a dit. Je bénis le Ciel de l'avoir ignoré, mais je vous supplie en grâce d'emprunter la main d'un autre pour m'écrire et de ne vous point fatiguer de façon que cela pourrait empirer votre maladie. Quoi? toute malade et infirme que vous êtes, vous pensez à tous les embarras où je me trouve? En vérité, cela en est trop! Pensez plutôt, pensez-le et persuadez-le-vous bien que, sans vous, il n'est plus de bonheur pour moi dans la vie, que de vos jours dépendent les miens, et qu'il dépend de vous d'abréger ou de prolonger ma carrière. Oui, ma chère sœur, ce n'est en vérité point un compliment, mais c'est le fond de mon cœur, c'est ma façon de penser véritable et constante dont je ne saurais me départir. Voyez donc à présent si vous prendrez tout le soin possible de votre conservation; à cette condition seule je jugerai de vos bontés pour moi et de l'amitié que vous me conservez.

J'ai terriblement à faire, c'est ce qui m'empêche de m'étendre plus longtemps sur une matière dont mon cœur est rempli. Soyez-en bien persuadée, de même que personne ne vous aime ni ne vous adore plus que, ma très chère sœur, votre très fidèle frère et serviteur

Federic.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.