10336. AU PRTNCE HENRI DE PRUSSE.

[Schœnfeld,] 19 [septembre 1758].248-7

Mon cher Frère. Je vous écris pour vous dire simplement qu'il n'y a rien de nouveau. Un déserteur arrivé de l'armée de Daun dépose que les officiers avaient reçu ordre de renvoyer tout le superflu de leur bagage en Bohême, à cause qu'ils manquent de fourrage. Cela pourra obliger les armées à les suivre dans quelques semaines. Je tâcherai de rétrécir Daun du côté de Bautzen. Si vous en faites autant du côté de Freiberg,248-8 il y a tout heu de se flatter que la faim opérera ce que l'épée n'a pu faire.

J'ai reçu hier une lettre du prince Ferdinand,248-9 qui me marque qu'il a fait un détachement qu'il envoie droit à Cassel, pour obliger le<249> prince de Soubise à revenir sur ses pas. L'idée est excellente, il faut voir si elle sera bien exécutée.

Wedell doit être aujourd'hui à Berlin. Les Suédois ont eu une émeute dans leur armée: Les Dalécarliens n'ont pas voulu attaquer un poste, où il y avait de mes troupes. Hamilton les a voulu décimer, sur quoi beaucoup de régiments ont pris les armes; ils ont forcé les prisons et sont parvenus à retirer et sauver les coupables. Depuis ce temps, il y a plus de 12 de leurs officiers qui se sont entrecoupé la gorge. L'équité naturelle ne règne donc plus de nos temps que chez les Dalécarliens, et ces gens, tout rustres qu'ils sont, font la leçon des procédés de l'Europe; et quoi, ces nations policées, ces peuples éclairés par la philosophie, ces hommes moux et efféminés sont plus durs, plus injustes et plus féroces que les barbares mêmes? Dans quel temps vivons-nous, mon cher frère ! Les proscriptions des triumvirs, la guerre de trente ans n'a rien fourni de plus affreux, de plus cruel que la guerre que nous avons à soutenir. L'on force nos parents, que dis-je? notre propre sang249-1 à se déclarer contre nous; la méchanceté de nos ennemis est parvenue à son comble. Quand verrons-nous la fin de tant de perfidies, d'horreurs, de trahisons, de meurtres, d'embrasements, de dévastations et de cruautés?

Mais, je m'arrête là; il n'est pas temps de déplorer nos malheurs, il ne faut songer qu'à y apporter un prompt remède. Nous y ferons ce que nous pourrons, et quoi qu'il arrive, ne doutez jamais des sentiments de tendresse et de la haute estime avec laquelle je suis, mon cher frère, votre fidèle frère et serviteur

Federic.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.



248-7 Ein Schreiben an die Prinzessin Amalie vom 19. September siehe in den Œuvres Bd. 27. i. S. 405.

248-8 Prinz Heinrich sollte durch ein Detachement gegen Freiberg den Reichstruppen die Verproviantirung erschweren. Ueber das Detachement unter Knobloch und Kleist vergl. Tempelhoff, Gesch. des siebenjähr. Krieges, Bd. ii, S. 272; ferner die Nummern 10335. 10341. 10345.

248-9 Vergl. Nr. 10334.

249-1 Der Markgraf und die Markgräfin von Baireuth waren durch Reichsexecution gezwungen worden, ihre Truppen gegen den König zu senden. Vergl. Bd. XVI, 104. 151.