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10798. AU FELD-MARÉCHAL PRINCE FERDINAND DE BRUNSWICK.

Rohnstock, 24 mars 1759.

J'ai reçu aujourd'hui ici la lettre que vous avez bien voulu m'écrire du 16 de ce mois. Je crois devoir vous écrire à présent tout ce qui me vient dans la tête; si cela n'est pas faisable aujourd'hui, ce sera au moins en autre temps.

On marque que le roi d'Espagne est mort. En cas que cela se confirme, les suites en doivent être nécessairement des troubles qui s'élèveront en Italie, et que les Français se trouveront obligés de faire de grands détachements tant du côté de Provence que peut-être du côté de Roussillon. Si cela arrivait, vous aurez une supériorité marquée sur eux, dont il faudrait certainement tâcher de profiter pour le bien de la cause commune d'une façon ou d'autre.

En ce cas-là, ils se présenteront deux objets. En supposant que les Français ne pourront conserver qu'une armée dans l'Allemagne et au Rhin, il conviendrait d'entreprendre le siège de Wesel, et, en ce cas-là, on pourrait avoir une artillerie de siège d'Angleterre qui viendrait par Emden, dont on pourrait se servir au siège. L'autre projet pourrait rouler sur une défensive du côté de Münster et sur une offensive du côté de la Hesse et de la Thuringe.

Ces deux projets roulent sur une supposition qui paraît presque certaine, savoir des troubles dans Italie et une brouillerie entre les Français, les Espagnols et les Savoyards. Je vous prie de m'écrire ce que vous en pensez, et quel projet vous trouverez mieux.

Les Autrichiens paraissent avoir changé de projet de campagne, et il paraît qu'ils veulent faire leurs plus grands efforts du côté de la Saxe et de là se tourner du côté de la Silésie. Mon frère n'aura visà-vis de lui qu'une armée des Cercles et 18000 Autrichiens, outre un autre corps dont ils destinent le commandement au général Laudon ou à Beck, qui se doit rassembler du côté de Zittau et pénétrer ensuite dans la Marche.

Vous pouvez vous imaginer, si vous y ajoutez les Russes et les Suédois, que je me trouve dans un cruel embarras pour obvier et résister à tous ces gens-là, et, à vous dire vrai, je ne sais pas trop comment j'en viendrai à bout; et si la mort du roi d'Espagne cause une diversion, cela pourra peut-être obliger les Autrichiens d'envoyer plus de troupes en Italie; car, après m'être bien informé des détachements qu'ils ont faits pour l'Italie, j'ai appris que, jusqu'à présent et tout, il n'y a marché que 10000 hommes.

Federic.

Nach dem Concept.