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Après que mon frère Henri a raflé les magasins des Autrichiens aux frontières de Bohême, et que le maréchal Daun se tourne avec presque toutes ses forces, mon frère pourra agir avec toute son armée contre les troupes des Cercles.

Quant au succès qu'il aura, il faut que nous l'attendions; mais si mon frère pourra battre ces gens, il ne se passera plus guère quelque chose de considérable de ce côté-là, et je crois que, ce cas supposé, qu'on pourra les arrêter avec tout au plus 6000 hommes de troupes légères.

Au reste, je vous prie de ne pas vous laisser décontenancer du petit mauvais succès que vous avez eu sur un beau projet;1 croyez plutôt qu'on ne fait longtemps la guerre, sans essuyer par-ci par-là des désastres. Mais je ne puis pas me dispenser de vous réitérer encore ce que je vous ai déjà souvent recommandé2 pour votre propre avantage, savoir que vous augmentiez votre artillerie, sans quoi vous ne succéderez guère dans vos entreprises. Il faut qu'au moins vous ayez 40 canons de 12 livres et une douzaine de haubitz de 10 livres. Il faudra, d'ailleurs, qu'ils soient bien attelés, outre 150 chevaux de réserve qu'il vous faudra toujours encore.

Il y a plusieurs de mes officiers qui connaissent le poste de Bergen, et qui m'ont dit unanimement qu'il était presque inattaquable.

Indépendamment de cela, vous n'aurez jamais à vous reprocher, le moindrement les dispositions que vous avez faites, et tous ceux qui entendent le métier, ne vous mettront jamais quelque chose à charge; mais gardez-vous bien, je vous supplie, de ne pas vous laisser intimider par un succès qui vous a raté, mais restez dans le même tour, dans le même train et avec la même espérance de succès où vous avez été, sans vous laisser altérer, car personne n'est maître des évènements. Il est fort à plaindre que votre beau projet n'a pas réussi, mais, dans le moment présent, il faut oublier les choses passées et penser à de nouvelles entreprises.

Vous direz, je vous prie, au prince de Holstein et au général-major comte de Finckenstein qu'ils fassent tous les arrangements possibles, pour recompléter au plus tôt les deux escadrons du régiment de Finckenstein qui ont souffert un échec.

Pour finir, je vous marquerai que j'ai eu le dessein d'attaquer avec le corps de Fouqué et quelques troupes que j'y avais jointes, le général autrichien de Ville, qui avec un corps d'armée avait pénétré dans la Haute-Silésie jusqu'à Neustadt, mais qui n'a pas voulu m'attendre et qui, tout au contraire, dès qu'il a appris mon arrivée à Neisse, s'est retiré précipitamment à Zuckmantel, de sorte que l'avant-garde de ma



1 Vergl. S. 181.

2 Vergl. S. 181.