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11191. AU FELD-MARÉCHAL PRINCE FERDINAND DE BRUNSWICK.

Au camp de Schmottseifen, 12 juillet 1759.

J'ai bien reçu votre lettre du 6 de ce mois, et je comprends très bien que vous êtes embarrassé, et il y a lieu de l'être; mais ce qui peut vous arriver de pis, c'est de ne prendre aucune résolution. Pensez bien qu'il est impossible de sortir de votre situation sans combattre, et je crois qu'en choisissant un terrain qui vous soit le plus avantageux en même temps, s'il faut en venir à une bataille, il vaut mieux battre au delà du Weser qu'en deçà. Car, supposé pour un moment que vous soyez battu, si vous l'êtes en delà du Weser, vous avez encore la ressource de vous mettre de ce côté-ci du Weser et de le disputer à l'ennemi. Mais si Votre Altesse essuie un grand échec de l'autre côté du Weser, Elle est, pour ainsi dire, sans ressource.

Je sens très bien l'importance qu'il y aurait de faire une diversion en votre faveur; soyez persuadé que j'y suis tout disposé; mais quelque envie que j'en aie, il m'est impossible de vous promettre la moindre chose, avant que nous n'en soyons venus à une décision, ou contre les Russes ou contre les Autrichiens. Et pour que vous ayez une idée de ce qui se passe de ce côté-ci, vous saurez que Dohna, ayant mal exécuté mes ordres, au lieu de marcher à Nakel, par où il aurait coupé au milieu des trois corps russes,1 est marché droit à Posnanie, avec tant de lenteur que dans sept jours il a à peu près fait huit milles; ainsi il a donné le temps aux Russes de se joindre et même de se retrancher à Posnanie, et ils sont à présent les uns vis-à-vis des autres à se regarder. Nos gens ont à la vérité battu les cosaques et les grenadiers à cheval russiens, mais cela ne décide de rien. On tâche à la vérité à présent de leur couper la communication avec Thorn, mais il est à voir, si cela [se] pourra opérer, et en attendant cela ne décide pas aussi vite que je le souhaite.

Ma position se trouve telle que je suis ici à guetter Daun, qui avec toute son armée se trouve entre Marklissa et Lauban, sur le passage du Queiss; de Ville est à Trautenau, auquel j'ai opposé Fouqué. Les troupes autrichiennes qui ont été dans l'Empire,2 ont joint Daun et prennent leur camp à la Landskrone auprès de Gœrlitz, où je leur oppose mon frère, pour les empêcher de faire des détachements vers la Marche.

Or, dans cette situation, Votre Altesse jugera que les affaires doivent se décider en peu, ou d'un côté ou de l'autre. De quel côté que nous ayons l'avantage, j'emploierai les premières troupes qui seront à ma disposition, pour faire en votre faveur une diversion en Hesse, dont j'espère que vous profiterez avec vivacité.

Federic.

Nach der Ausfertigung im Kriegsarchiv des Königl. Grossen Generalstabs zu Berlin.



1 Vergl. S. 374. 389.

2 Vergl. S. 393.