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11334. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE FINCKENSTEIN A BERLIN.

Wulkow, 10 août 1759.

J'ai reçu votre lettre du 9 de ce mois, et je veux bien que vous sachiez que je passerai l'Oder cette nuit, pour me porter demain sur l'ennemi, afin de l'attaquer après-demain matin. Au reste, je ne pourrai pas répondre pendant deux jours des incursions que pourra faire l'ennemi, quand j'aurai passé l'Oder avec toutes mes troupes.

Pour ce qui regarde l'extrait des lettres interceptées que vous m'avez fait parvenir, je pense que le nombre des troupes ennemies1 y est exagéré.

Ce sera dans deux jours qu'il faudra adresser un petit hymne à la Fortune. Je crois que Hadik en veut à Berlin, et je suis obligé de me hâter ici pour parer à temps le coup qu'il veut me porter. Un damné au purgatoire n'est pas dans une plus abominable situation que celle où je me trouve. Votre pauvre terre sera, je le crains, mal accommodée, nous sommes des gueux, il ne nous reste que l'honneur. Je ferai mon possible pour le sauver. Adieu.

Federic.

Nach der Ausfertigung. Der Zusatz eigenhändig.


11335. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE FINCKENSTEIN A BERLIN.

12 [août 1759].

J'ai attaqué ce matin à 11 heures l'ennemi. Nous les avons poussés jusqu'au cimetière des juifs auprès de Francfort. Toutes mes troupes ont donné et ont fait des prodiges, mais ce cimetière nous a fait perdre un prodigieux monde. Nos gens se sont mis en confusion, je les ai ralliés trois fois, à la fin j'ai pensé être pris moi-même, et j'ai été obligé de céder le champ de bataille. Mon habit est criblé de coups, j'ai deux chevaux de tués, mon malheur est de vivre encore. Notre perte est très considérable : d'une armée de 48000 hommes je n'en ai pas 3000. Dans le moment que je parle, tout fuit, et je ne suis plus maître de mes gens. On fera bien à Berlin de penser à sa sûreté.

C'est un cruel revers, je n'y survivrai pas; les suites de l'affaire seront pires que l'affaire même. Je n'ai plus de ressource, et à ne point mentir, je crois tout perdu; je ne survivrai point à la perte de ma patrie.

Adieu pour jamais!

Federic.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.



1 Die russische Armee war auf 89201 Mann angegeben.