10926. AU PRINCE HENRI DE PRUSSE.

Landshut, 6 mai 1759.

J'ai bien reçu la lettre du 3 de ce mois que vous m'avez faite. Je ne doute pas du bon succès de votre expédition présente, sinon dans la plus achevée perfection, car de cela personne n'en est le maître, du moins assez avantageusement, et [elle] fera au moins un bon effet, ne fût-ce que nos ennemis ne sauront agir de concert contre nous, ce qu'il faut que nous empêchions absolument.

Je vous ai déjà écrit quel train ma dernière expédition dans la Haute-Silésie a pris,210-2 ainsi je ne donnerai pas dans des répétitions. Mais, afin que vous puissiez vous former une idée juste de la situation actuelle des circonstances ici aux frontières des Autrichiens, pour en mieux juger, je vous noterai que de Ville a auprès de soi 24 bataillons que j'ai fait compter sur la place du camp qu'il avait abandonné auprès de Neustadt. Ces 24 bataillons font 11 régiments d'infanterie, parceque chaque bataillon est de 6 compagnies, de sorte qu'on en peut calculer la somme totale à 12000 hommes à peu près. Il en faut rabattre un nombre prodigieux de malades qu'ils ont, et il y a peu de compagnies qui n'aient jusqu'à 50 hommes de malades et de commandés absents; plus, de Ville a 2 régiments de dragons autrichiens avec 4 régiments de dragons saxons, dont les derniers ne font que le nombre total de 1600 à peu près; et l'on compte un régiment de dragons autrichiens, si l'on en met le nombre au plus haut, à 600 chevaux tout au plus. Outre cela, il y a auprès de de Ville un misérable régiment de hussards Carlstadiens et 2 pulks d'uhlans, ce qu'il y a de meilleur en troupes légères, de sorte que, quand je calcule largement le nombre de tout son corps, il fera le nombre de 20000 hommes à peu près.

C'est ensuite à Neustadt, aux frontières de la comté de Glatz, que l'aile droite de l'armée autrichienne commence dans ses quartiers de cantonnement, et leur aile gauche s'étend jusqu'aux environs de Trautenau.

Auprès de Nachod, il y a Harsch avec 5 généraux, 5 régiments d'infanterie, 3 régiments de dragons et 3000 pandours à peu près. A Politz est le général Beck, qui s'étend jusques derrère Braunau, et qui<211> a sous ses ordres 3000 pandours, 3 régiments réguliers de hussards, le régiment dragon de l'archiduc Joseph et 4 régiments ou 8 bataillons d'infanterie.

On a fortifié les hauteurs de Politz par des redoutes où il y a 60 gros canons.

Le général Laudon est auprès de Trautenau et de Schatzlar, qui commande à 10 régiments allemands d'infanterie, à 2 régiments de dragons, 3 de hussards et 3 à 4000 pandours dont on ne sait donner le nombre précisément; il s'est retranché de même auprès de Schatzlar, Trautenau et Golden-Oels.

Il y a un camp de 12 bataillons derrière le défilé de Golden-Oels, un autre camp de 8 bataillons derrière Trautenau, sur les hauteurs qui tirent à Arnau. Selon les avis qu'on a ici, il y a 12 régiments autrichiens auprès de l'armée soi-disante de l'Empire, outre 8 ou 9 régiments auprès de Leitmeritz, d'Eger, Gabel etc. tous éparpillés.

De là on peut à peu près pénétrer la façon dont ces gens voudront agir. Si j'en dois dire mon sentiment, il me paraît qu'ils sont trop éparpillés et qu'ils perdent par cette disposition l'avantage que leur supériorité en nombre leur aurait donné. Voilà ce qui me fait espérer que nous pourrons les battre en détail.

J'ai pris mes arrangements avec le général Fouqué, de sorte que nous saurons nous joindre toutes les fois que le cas l'exigera, et alors nous marcherons sur le corps de celui de l'ennemi qui voudra tenter le premier quelque chose. Mais ce dont je dois vous prévenir, afin que. le cas arrivant, vous n'en soyez pas surpris, c'est que si de Ville revient pour faire le siège de Neisse, je ne remuerai pas contre lui, avant qu'il n'ait amené les canons devant la place, et alors ce sera le moment d'agir avec vigueur. Et quand un corps de l'ennemi, qui voudra pénétrer, sera bien rossé, j'ai tout lieu de croire que les autres en seront rebutés et tourneront en arrière.

Je vous remercie de la communication des nouvelles que vous avez eues de Bohême, au sujet desquelles je suis bien aise de vous faire observer qu'il est positivement vrai que Harsch est ici à Neustadt, aux frontières de la comté de Glatz, où il campe à l'aile droite de l'armée autrichienne, et que Beck est à Politz.

Federic.211-1

Nach dem Concept. Der letzte Abschnitt allein in der sonst chiffrirten Ausfertigung.

<212>

210-2 Vergl. Nr. 10917.

211-1 In einem deutschen Schreiben vom 10. Mai wird Prinz Heinrich benachrichtigt, dass die Auswechselung- der österreichischen und preussischen Gefangenen in Neu-Salze in der Lausitz wieder aufgenommen werden solle. (Vergl. S. 151. Anm. 3.) Der Prinz soll ein Kavallerie-Commando von sicheren Leuten hinsenden zum Escortiren der ausgewechselten Gefangenen.