11055. AU GÉNÉRAL DE L'INFANTERIE BARON DE LA MOTTE-FOUQUÉ.

Reich-Hennersdorf, 6 juin 1759.

J'ai bien reçu vos deux rapports du 6 de ce mois, et j'approuve le gros de vos mesures que vous avez prises; et, si l'ennemi fait un effort, il faut que vous rassembliez toutes vos troupes et les 13 bataillons que vous avez encore, et ce que Bülow a, parceque, si vous êtes ensemble, vous êtes sûrement en état de tomber sur une des colonnes des Autrichiens et les harceler; mais, si vous n'êtes point ensemble, vous ne pourrez rien faire, et tout ce que vous entreprendrez, sera faible.

Les Russes ne pourront entrer dans la Silésie que vers le 12, 13 ou 14 de ce mois. Daun veut agir en même temps; il n'a pas fait le moindre mouvement jusqu'à présent, il n'y a pas même de patrouille qui ait passé la frontière. Hier sa droite a encore été à Jaromirz et sa gauche à Schurz. J'attends la nouvelle de son premier mouvement pour juger quel peut être son véritable dessein, et pour vous avertir des mouvements positifs que vous devrez faire; tant qu'il ne se remuera point, je ne pourrai pas vous donner d'ordres précis. Mais il ne s'agit que d'avoir encore un peu de patience, et vous ferez bien de répandre tantôt la nouvelle ou que je marche à vous avec un corps de cavalerie et d'infanterie et que nous passerions la Neisse à Camenz ou à Patschkau, ou là où il vous plaira, pour attaquer de Ville dans son camp de Kamnitz; ou que vous allez vous poster du côté de Glatz. Afin de donner des inquiétudes à ces gens de tous les côtés, vous pourrez encore leur donner des attentions du côté de Silberberg, comme si on avait dessein de marcher sur Neurode; tantôt de répandre des bruits que vous étiez obligé de marcher du côté de Breslau, pour vous opposer aux Russes qui faisaient des incursions : et cela afin de les amuser et de leur donner le change de toutes les manières possibles.

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Nous sommes à la veille de l'évènement; c'est encore une affaire de 5 ou de 6 jours qui nous éclaircira le dessein de l'ennemi; mais dès qu'il s'agira de faire quelque chose, pour l'amour de Dieu, ne détachez rien et agissez avec toutes vos forces ensemble, s'entend avec 21 bataillons d'infanterie, le bataillon franc de Lüderitz, 25 escadrons de cuirassiers et de dragons et 16 escadrons d'hussards.

Vous savez à peu près quelles sont mes idées. Il serait impossible de vous dire tout ce qui peut arriver; mais dès que l'ennemi aura fait un mouvement qui m'éclaircira davantage de son dessein, je serai en état de vous donner des instructions plus précises.

Si le gros de l'armée ennemie se porte contre moi, vous serez fort en état de résister à un détachement, pourvu que votre corps ait toujours pour 9 jours de pain avec soi; en cas de nécessité, il faut que la cavalerie fourrage. Si l'ennemi ne fait qu'un masque de ce côté-ci, et que je m'aperçoive que sa plus grande force se porte du côté de Friedland, je m'y porterai aussitôt, non pour lui disputer le passage, mais pour le couper de la Bohême. Cela l'obligera ou bien de me venir attaquer dans un poste désavantageux pour lui ou bien à gagner la plaine, pour se joindre, le plus tôt qu'il pourra, au corps de de Ville, afin d'avoir du pain. Dans le premier cas, si vous le côtoyez à une certaine distance, vous serez toujours en état de le prendre en flanc ou en derrière, pendant que nous en serons aux mains; et, dans le second cas, il faut que vous le harceliez, pour qu'au déboucher des montagnes du côté de Reichenbach nous puissions engager une affaire d'arrière-garde avantageuse.

Vous pouvez encore faire gâter le chemin de Silberberg à Neurode, en y faisant jeter des pierres et en le rendant impraticable pour les voitures, afin que, s'ils voulussent faire passer une colonne de ce côté-là, il leur devînt absolument impossible d'y traîner de l'artillerie; sans laquelle vous savez bien qu'ils ne marchent point.299-1

Dans ce moment, je reçois une lettre de Bülow, qui me marque que le corps de Beck est prêt à marcher;299-2 un hussard, arrivé dans ce moment de Politz, dépose que des pandours, hussards et quelque infanterie allemande étaient arrivés avant-hier et hier vers Politz; de plus, des officiers autrichiens ont été ce matin parler à des paysans et leur ont promis beaucoup d'argent pour les mener sur une montagne d'où ils veulent cette nuit voir notre camp; un autre déserteur dépose que l'armée299-3 a dû marcher aujourd'hui. Je n'ai point de nouvelles jusqu'ici de sa marche, sans quoi je vous l'écrirai.299-4 Dès que j'apprendrai quelque<300> chose d'ultérieur, je vous le marquerai; mais nous touchons au dénoûment, et c'est l'affaire de deux fois 24 heures; il faut être alerte en attendant et prêt à faire, le plus vite que possible, les mouvements nécessaires.

Federic.

Nach der Ausfertigung im Kaiserl. Königl. Kriegsarchiv zu Wien. Der Zusatz (von „Dans ce moment“ an) eigenhändig.



299-1 Vergl. S. 266.

299-2 Bericht des Generalmajors von Bülow, d. d. Bärsdorf 6. Juni. Wie die Weisungen [Bleinotizen] auf der Rückseite des Berichts ergeben, wurden an Bülow darauf die gleichen Nachrichten wie im folgenden an Fouqué mitgetheilt.

299-3 D. h. die sogenannte grosse Armee. Auf dem Berichte Bülow's heisst es: „hat ausgesagt, dass die grosse Armee bei Trautenau anrücken sollte“ .

299-4 So.